Eva Joly fut longtemps le cauchemar personnifié du microcosme politique français. Sa volonté d'aller jusqu'au bout dans les dossiers qu'elle instruit n'a d'égale que sa profonde conviction de l'indispensable urgence de moraliser les us et coutumes politiques. Tandis que les socialistes hésitent encore entre Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn et qu'à droite Nicolas Sarkozy est en train de huiler sa rampe de lancement et qu'au Front National, Marine Le Pen aiguise sa voix et son sourire, le mouvement «Europe Ecologie» qui, lors des dernières consultations électorales, avait fait presque jeu égal avec le PS, semble avoir trouvé sa muse pour les prochaines présidentielles. Et c'est l'ancienne juge, actuelle euro-députée Eva Joly. Si en politique, Eva Joly est une novice, presque une débutante, elle n'est pas inconnue du grand public français. Dans une ancienne vie, elle incarna le rôle de la mère fouettarde qui traqua la corruption politique dans des affaires aussi célèbres que celle de «l'affaire ELF» ou «les frégates de Taïwan» où son acharnement à mettre des politiques à l'ombre pour enrichissement personnel et corruption, attira l'attention et força l'admiration. Avec ses lunettes rondes qui accentuent une sévérité naturelle, sa tignasse d'une blondeur toute scandinave, Eva Joly qui porte bien ses 66 ans, fut longtemps le cauchemar personnifié du microcosme politique français. Sa volonté d'aller jusqu'au bout dans les dossiers qu'elle instruit n'a d'égale que sa profonde conviction de l'indispensable urgence de moraliser les us et coutumes politiques. Cette Franco-Norvégienne a su s'imposer comme une magistrate sans concessions. Deux films ont rendu hommage à son ascension, «L'ivresse du pourvoir» de Claude Chabrol et «Les prédateurs» de Lucas Belvaux. Mais elle fait véritablement son entrée en politique lorsqu'elle fut élue aux dernières élections européennes sur le liste Europe Ecologie qu'animait le Vert franco-allemand Daniel Cohn-Bendit. La performance de cette liste fut une grande surprise et les profils qu'elle envoya à Strasbourg furent divers et variés. Depuis quelques jours et même en plein mois d'août, Eva Joly fait un retour remarqué. Son visage devient plus visible dans les gazettes, notamment avec les honneurs de «Paris Match» et sa parole plus audible. C'est elle, naturalisée par mariage, qui lança au visage de Nicolas Sarkozy la plus violente des critiques lorsqu'elle l'accuse de vouloir instaurer « un racisme d'Etat ». Ironie de l'histoire, c'est chez les écologistes où la polémique permanente et les discussions sans fin étaient devenues presque un art de vivre que cette question de leadership pour la présidentielle semble sur le point d'être tranchée. Alors que dans les autres écuries, la question reste en suspens. Avant les journées d'été des Verts et des écolos à Nantes, Eva Joly a eu l'occasion d'exprimer son désir d'être leur porte-drapeau dans cette bataille. Le manque de réactions tranchées ou rebelles, notamment de la part de personnalités ambitieuses comme Cécile Duflot, la secrétaire nationale des Verts, est le signe que cette nouvelle force en politique connaît plus de sérénité et de confiance en soi. Le mouvement écologique serait déjà, selon certains, en train de sortir de son adolescence militante pour se projeter dans les sphères du gouvernement. Sinon, comme actionnaire principal dans certaines structures du moins comme partenaire de gouvernement. Il reste qu'à droite comme à gauche, cette candidature écologique à la prochaine présidentielle est surveillée comme du lait sur le feu. Eva Joly, pourtant cataloguée à gauche, aura tout loisir d'en jouer, pour marquer sa différence.