Depuis quelque temps, l'Etat marocain et ses acteurs redoublent d'efforts pour séduire les observateurs lointains et répondre aux besoins des citoyens. Mais tel n'est pas l'avis de tous. On ne séduit pas l'Etat. Dans les enjeux politiques, dans le champ politique marocain, la prudence est de mise, et l'on ne saurait aller plus vite que la musique. Faut-il parler, à l'heure actuelle au Maroc, de la nécessité d'une conférence nationale sur l'avenir, comme si après quarante années d'indépendance, ce pays ne connaît encore ni expérience de participation politique ( élections, consultations,etc), ni institutions ou espaces de gestion légitimes et légaux ? Bien entendu, la majorité des Marocains ne partage pas cet avis. Les partis politiques au Maroc existent, bien avant même son indépendance, et les élections, en dépit des critiques dont font l'objet leurs résultats, se déroulent périodiquement et ne suscitent ni guerre civile, ni irruption d'une quelconque violence de la part d'une tribu, ou d'une secte ou un d'un appareil étatique. De surcroît, elles n'ont jusqu'à présent jamais renversé de fond en comble, et de manière radicale, la carte politique marocaine. Certes, depuis fort longtemps, des observateurs ne cessent d'annoncer que nous vivons au bord d'un volcan qui risque à tout moment d'exploser. Mais, cette prophétie ne s'est jamais réalisée. En bref, l'expérience concrète et palpable a montré que bon nombre d'oiseaux de mauvais augure ont toujours raté leur rendez-vous avec l'histoire. D'ailleurs, c'est ce constat de fait qui a amené les anciennes forces de l'opposition à réviser leurs positions et vis-à-vis de la monarchie et en ce qui concerne l'action politique, en général, et l'attitude à l'égard des autres composantes partisanes. Certes, le Prince Moulay Hicham a raison lorsqu'il critique l'archaïsme politique qui règne au sein des partis. Il a raison, également, quand il se dresse contre le populisme de certaines entités partisanes; mais là où il se trompe, c'est lorsqu'il efface d'un seul trait tout le patrimoine de ces partis et remet en cause la matrice politique du pays, de manière radicale et sans aucune prise en considération de la réalité et des acquis. Il va sans dire qu'il est hors question d'évoquer la transition dans des termes absolus, comme c'est le cas dans d'autres pays; c'est-à-dire de la dictature pure et simple à la démocratie. La transition conjuguée, ici et maintenant, est d'abord un élargissement de l'espace de la gestion politique à de nouveaux acteurs. Ensuite, elle est synonyme de l'alternance gouvernementale et de la périodicité régulière des échéances électorales, aussi bien sur le plan national qu'aux niveaux local et sectoriel. De cette première lacune dépend une autre plus grave, tant au niveau de la perception qu'en ce qui concerne les répercussions réelles sur la stabilité du pays. La remise en cause du statu quo est une gymnastique intellectuelle louable et nécessaire quand elle s'inscrit dans une dynamique constructive ; mais quand elle devient une fin en soi, elle perd sa raison d'être et devient nuisible et dangereuse. Jamais, dans l'histoire récente du Maroc, on a vu un prince polémiquer avec des membres du gouvernement et des partis politiques. Or, lorsque le prince My Hicham charge un responsable de tous les maux, il porte atteinte à son statut de prince et sacrifie au syndrome de l'héroïsme hollywoodien. Le reste n'est qu'un jeu d'enfants. Même en tentant d'extrapoler le débat à des questions aussi sensibles que celles « du pacte monarchique » et de la primogéniture.