Ils sont bien naïfs ceux qui continuent de croire que le sport pourrait exister en dehors de tout enjeu économique et politique. Le football, tout particulièrement, sport mis en scène au niveau mondial comme nul autre, nous informe régulièrement sur l'état de santé des peuples et des nations. On se souvient de cette grande communion nationale que la France a connue en 1998, lorsque l'équipe de ce pays a gagné la Coupe du monde en grande partie grâce à ses joueurs d'origine africaine, à commencer par Zinedine Zidane le Franco-Algérien. Personne, à ce moment-là, n'aurait osé penser que «l'identité nationale» française était en perdition! La France, alors, se découvrait avec bonheur «black, blanc beur». Les évènements qui ont entouré la sélection de l'équipe d'Algérie pour le prochain Mondial en Afrique du Sud, donnent sérieusement à réfléchir. Dans les semaines qui ont précédé le premier match entre Algériens et Egyptiens, le Net a croulé sous les commentaires haineux et sous les vidéos donnant à voir les drapeaux du pays adverse en feu. Lorsque l'équipe nationale algérienne est arrivée au Caire, elle a été attaquée à coups de pierres et plusieurs joueurs ont été blessés! Le deuxième match a été joué au Soudan sous haute protection. La victoire algérienne, bien entendu, a déclenché une liesse collective en Algérie ainsi qu'en France où les Franco-Algériens sont quelque deux millions. En Egypte, en revanche, la population a vécu la défaite de son équipe comme une nouvelle catastrophe, une terrible humiliation, et on peut imaginer la colère du président Hosni Moubarak dont le fils a traité les Algériens de «terroristes» et de «mercenaires». Avec cette compétition, on s'est retrouvé bien loin de l'idéal d'une fraternité internationale que le sport serait censé promouvoir. Les «frères arabes» algériens et égyptiens ne se sont jamais sentis aussi peu «frères» qu'en cette circonstance. Et ne parlons pas de la «fraternité des croyants»! La Oumma n'était plus à l'ordre du jour. En Algérie, surtout, ce véritable conflit avec l'Egypte a re-déclenché tout un questionnement sur l'identité algérienne. «Sommes-nous véritablement arabes?» ont demandé de nombreux internautes trop heureux, pour certains, de pouvoir mettre en valeur l'identité berbère, et notamment kabyle, de toute une partie du peuple algérien. «Faut-il continuer à entretenir le mythe d'une grande nation arabe «transfrontière», alors que tous les peuples qui se revendiquent arabes ont des histoires particulières, des cultures nationales singulières?», ont questionné d'autres. En France, d'autres débats ont surgi, très différents. Les milliers de jeunes Franco-Algériens qui sont sortis bruyamment dans les rues des grandes villes du pays pour manifester leur soutien à l'équipe nationale algérienne, ne se montraient-ils pas davantage «algériens» que «français»? Leurs débordements de joie ( accompagnés parfois de dégradations et de violences ) ne venaient-ils pas légitimer les discours mettant en doute leur véritable appartenance à la nation française? Des deux côtés de la Méditerranée, ainsi, ce match aura remis «la balle» de l'identité nationale au centre des préoccupations.