Cacophonie, dissonance. Les mots ne manquent pas pour décrire la rentrée politique de Xavier Bertrand. Xavier Bertrand, le secrétaire général de l'UMP est méconnaissable. Longtemps présenté comme le dauphin naturel de Nicolas Sarkozy, le bagout, le gabarit et les mimiques en font des clones presque parfaits, l'homme avait surpris par le discours de consensus aux apparences artificielles qu'il tentait de distiller. Un sourire figé de représentant de commerce avide, une rondeur et une bonhomie à désarmer les dernières réticences, Xavier Bertrand donnait l'impression d'être voué à une seule mission: rassurer ceux que son intenable ambition inquiète. Signe de la confiance qu'il suscite dans son entourage, quand, en janvier 2009, Nicolas Sarkozy l'exfiltre du gouvernement et lui confie les rênes de l'UMP, l'autre quadra prometteur de la droite, Jean-François Copé, décoche une des flèches les plus empoisonnées et les plus révélatrices à l'encontre de Xavier Bertrand. Jean-François Copé dit à Nicolas Sarkozy : «Tu as prévu de filer les clefs à Xavier Bertrand, tu devrais en garder le double». Xavier Bertrand vient d'effectuer une rentrée fracassante pour quelqu'un habitué à accorder son inspiration et ses sorties avec l'Elysée. Le ton n'est plus au louvoiement ni à l'à-peu-près qui endort. Sur deux sujets au moins, il vient d'exprimer des positions tranchées qui ne vont pas allonger la liste des ses soutiens et de ses sympathisants. Le premier sujet par une chronologie inversée est celui du droit du vote des étrangers. Alors que le ministre de l'Immigration, Eric Besson, proposait d'ouvrir un débat sur la question en précisant qu'il était personnellement favorable au vote des étrangers aux élections locales, Xavier Bertrand l'a repris en plein vol comme s'il ne cherchait qu'une occasion de marquer sa différence : «Je ne suis pas favorable au droit de vote des étrangers aux élections municipales, je le dis très clairement (…) Ne nous trompons pas sur les priorités (…) Les priorités de la rentrée pour les Français ce sont l'emploi, la sortie de crise…Je ne laisserai pas détourner l'attention des priorités des Français». Cette vigoureuse réaction sur un sujet qui en temps normal aurait mérité une simple mise au point témoigne de la détermination du patron de l'UMP à peser sur la configuration de l'agenda politique et social du gouvernement. L'autre sujet qui a provoqué des grincements de mâchoires chez de nombreux ministres est celui qui touche au cumul des mandats. A la veille des élections régionales qui voient des personnalités gouvernementales concourir, Xavier Bertrand a tenu à exprimer sa position d'une manière qui en dit long sur le sérieux et la gravité du débat : «pour moi, les choses sont claires. Si un ministre qui a choisi d'être candidat est élu président de région, il devra se consacrer pleinement à cette fonction de président de région (…) C'est une question de respect des électeurs et c'est aussi une façon de se consacrer pleinement à cette fonction». Sont directement concernés par cette saillie, Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, Valérie Pecresse, à l'Enseignement supérieur et Xavier Darcos au Travail. D'ailleurs , Roselyne Bachelot n'est pas restée silencieuse face à cette menace de Xavier Bertrand. Après avoir affirmé qu'elle était «tout à fait capable d'être à la fois ministre et présidente de région», elle a délicatement renvoyé Xavier Bertrand à ses chères études avec cette phrase: «Le président de la République en décidera». Cacophonie, dissonance. Les mots ne manquent pas pour décrire la rentrée politique de Xavier Bertrand. En prenant publiquement à contre-pied de nombreux ministres sur des sujets aussi polémiques, le secrétaire général de l'UMP court le risque de mettre à dos l'appareil gouvernemental que dirige François Fillon, déjà connu pour nourrir à son égard une profonde antipathie. Mais l'autre versant de la médaille, c'est que Xavier Bertrand profite de la tribune UMP pour sculpter une nouveau profil qui le distingue au sein de la droite. Il est à parier que l'université d'été du parti du président connue sous le nom du «Campus des jeunes populaires» ce week-end dans les Landes, l'équivalent de la Rochelle socialiste, sera l'occasion pour Xavier Bertrand de confirmer cette tendance et donner naissance à un secrétaire général de l'UMP plus présent, plus agressif…en un mot plus indépendant.