Rencontré dernièrement lors des «Transculturelles des abattoirs», Rabie El Addouni, l'un des graffiteurs les plus illustres au Maroc, explique sa démarche et parle de sa passion pour son art. ALM : On vous a vu dernièrement lors des «Transculturelles des abattoirs». Qu'est-ce qui caractérise votre travail ? Rabie El Addouni : Au fait, je m'intéresse à tous les courants et démarches existants dans le graffiti. Je m'inspire aussi de différentes écoles de peinture notamment le réalisme, le surréalisme ou encore le dadaïsme. En plus des murs, je travaille sur différents supports, notamment le sol, les voitures, les vannes, les vêtements, les chaussures ou les cassettes. J'ai même fait un graffiti dans une montagne à Zagoura. Tous les supports sont bons, mais j'espère qu'un jour j'aurais l'occasion de faire des graffitis dans un train comme ce qui se fait ailleurs. Par ailleurs, je fais aussi des designs de voitures, ou encore des croquis de conception de bâtiment, des styles de vêtements, mais ces dessins restent inexploités. Vous pouvez découvrir ce que je fais sur mon blog www.rabiegrafiti.skyrock.com. Vous êtes au Maroc l'un des pionniers du graffiti. Comment est née votre passion pour cet art ? En fait, je dessine et peint depuis mon enfance. J'ai fait mon premier dessin quand j'étais à la medersa. Ma famille déménageait beaucoup à l'époque. Je dessinais souvent dans mon ardoise cette mini-vanne qui transportait nos lourds bagages et sur laquelle j'étais perché, veillant à ce que rien ne tombe. En fait, j'ai découvert le graffiti plus tard grâce à un ami qui connaissait ma passion pour le dessin. Un jour, ce dernier m'a apporté un magazine et m'a lancé un défi de reproduire les graffitis qu'il y avait dans le magazine. Quand je les ai découverts, j'ai été agréablement impressionné. Tout de suite, j'ai voulu faire de même. Alors, j'ai commencé à faire des recherches et à explorer ce monde si nouveau pour moi, sur Internet et partout. Je suis devenu accro à ce mode d'expression. Je faisais mes graffitis là où se présentait l'occasion, d'abord sur les murs de Meknès, ma ville natale, de Casablanca ensuite dans tout le Maroc. Que représente pour vous le graffiti ? Le graffiti était considéré comme un délit, mais pour moi c'était un mode d'expression artistique plus qu'autre chose. Ma démarche est que mon œuvre avec ses couleurs et ses aspects parfois humoristiques plaît à tout le monde, aux petits comme aux grands. Il y a des gens qui sont sur la même longueur d'onde que moi et d'autres qui restent perplexes par rapport au graffiti. Et cela fait maintenant plus de 9 ans que j'exerce cette activité. Mais l'art du grafitti reste quand même peu connu au Maroc. Par ailleurs, malgré le fait que je sois un autodidacte et que j'ai arrêté mes études au CE6, le graffiti et l'art pictural représentent pour moi un champ de découverte et de savoir immense. Je suis l'aîné d'une fratrie de huit personnes et on ne voyageait pas beaucoup quand j'étais petit. Ainsi, le graffiti me permet aussi de voyager lors des différents événements auxquels je suis invité et où je peux montrer ce que je sais faire et partager mon art. D'ailleurs, c'est à cause de ma nature de nomade que je n'ai pas eu l'occasion de suivre les différents cours de langues dans lesquels j'étais inscrit. Et le graffiti reste mon meilleur moyen de communication.