Le week-end des 7 et 8 février s'est tenue à Paris la quinzième édition du «Maghreb des livres», une manifestation organisée par l'association «Coup de soleil» que préside l'universitaire retraité Georges Morin. Au fil des ans, ce salon s'est imposé comme le plus grand rassemblement mettant en valeur tout ce qui est édité, en français, concernant le Maghreb, qu'il s'agisse de littérature, de politique, d'anthropologie, de religion ou d'économie. A cette occasion, est installée la plus grande librairie maghrébine de France, puisqu'on y trouve des milliers de livres portant sur les cinq pays du Maghreb et sur les populations de France qui y ont leurs racines. Plus de cent cinquante auteurs maghrébins et français, qui ont publié récemment un de ces ouvrages, participent à ce salon, pour des signatures, des dialogues avec les lecteurs, ou encore pour des tables rondes. On rencontre là des auteurs célèbres et d'autres connus confidentiellement, des thuriféraires des régimes politiques en place comme des opposants résolus. Le salon se révèle, ainsi, un forum, où des échanges intellectuels de qualité se mêlent aux rencontres les plus conviviales. Ici on croise le Professeur Mohamed Arkoun colloquant avec l'essayiste Abdelwahab Meddeb, l'historien Jean Lacouture conversant avec l'écrivain et ancien ministre français Azouz Begag, l'ex-bagnard de Tazmamart Aziz Bine Bine comme le conseiller du Souverain marocain André Azoulay... On n'ira pas jusqu'à prétendre que, l'espace de cet événement, Paris s'impose comme la «capitale culturelle du Maghreb», mais on aurait presque eu envie de le dire! Car où donc, au Maghreb, pareille manifestation se tient-elle? Dans quelle grande ville du Maroc, d'Algérie ou de Tunisie (pour ne pas parler de la Libye et de la Mauritanie) semblable réunion culturelle est-elle organisée? Certes il y a chaque année, à Casablanca comme à Alger et à Tunis, un «Salon international du livre», où des centaines d'éditeurs, francophones et, surtout, arabophones, venus principalement du monde arabe et d'Europe, peuvent présenter une part de leur production. Il s'agit cependant de manifestations très officielles, où les livres exposés ont souvent dû passer, auparavant, par le filtre de la censure de plusieurs Etats représentés. Ces « foires du livre » ont pour objectif, aussi, de mettre en contact des éditeurs qui vont pouvoir commercer entre eux. Pour les centaines de milliers de visiteurs, ces salons officiels constituent, évidemment, une heureuse opportunité pour découvrir des milliers d'ouvrages dont ils n'auraient pas idée, autrement, de l'existence. Mais il leur manque la dimension de liberté qui caractérise le « Maghreb des livres » de Paris. Leur fait défaut cet amour du Maghreb que l'on sent chez tous les participants à la manifestation parisienne. Car, finalement, il n'y a que le monde associatif qui peut créer une telle synergie entre des acteurs culturels appartenant à des horizons suffisamment divers, pro-gouvernementaux comme anti-gouvernementaux, considérés comme «bien-pensants» ou comme «mal-pensants»! Demeure un problème commun à toutes ces manifestations: le coût élevé des livres.