La rencontre de Martine Aubry et de Ségolène Royal de samedi dernier fut le premier acte d'un intense processus de négociation entre deux forces qui revendiquent chacune la capacité de parler au nom d'un socialiste sur deux. Avec une victoire à la Pyrrhus comme celle que vient de remporter Martine Aubry, la maire de Lille et fille de Jacques Delors n'est pas prête de couler des jours tranquilles dans la nouvelle citadelle de la rue de Solferino qu'elle vient de conquérir. Tout ceux qui ont eu à évaluer ses chances d'installer un nouveau leadership à la tête du PS conviennent de l'énorme difficulté que lui impose sa courte et contestable victoire. Seul bémol au travail d'Hercule qui l'attend, un récent sondage CSA montre que 62% des sympathisants socialistes font confiance à Martine Aubry en tant que première secrétaire du PS contre 45% de l'ensemble des Français. A titre d'indication, l'équation était inversée dans le cas de Ségolène Royal. Martine Aubry se doit de préparer une nouvelle équipe et une nouvelle orientation politique du PS qu'elle présentera le 6 décembre au conseil national pour discussion et validation. Pour cela, elle vient de rencontrer successivement ses soutiens déclarés auteurs de deux motions anciennement concurrentes, Benoît Hamon, la jeune figure de gauche des socialistes, Bertrand Delanoë, le maire de Paris et la nouvelle femme qui incarne l'opposition au sein du parti, Ségolène Royal. Cette dernière et après moult hésitations et tentations à vouloir tracer son sillon en dehors du PS, s'est résignée en fin de compte à jouer sa chance à l'intérieur de l'appareil. La rencontre de Martine Aubry et de Ségolène Royal de samedi dernier fut le premier acte d'un intense processus de négociation entre deux forces qui revendiquent chacune la capacité de parler au nom d'un socialiste sur deux. Signe que le troc de postes et de responsabilité fut serré, la déclaration de Ségolène Royal au sortir de cette rencontre : «Nous sommes disponibles. Bien sûr, nous attendons les propositions que Martine Aubry fera pour organiser sa direction et pour organiser la façon dont les responsabilités, le travail sera assumé par les uns et par les autres». Ses déclarations apaisées en apparence furent précédées par une nouvelle tonalité d'armistice par un des lieutenants les plus va-t-en-guerre de Ségolène Royal, le député de l'Essonne, Manuel Valls, lorsqu'il affirme : «Nous ne sommes pas une opposition, nous ne sommes que dans l'opposition à Nicolas Sarkozy». Martine Aubry sait mieux que quiconque qu'il faut un dosage d'une grande subtilité pour former une équipe de direction du PS qui reflète réellement les tendances et les multiples courants qui agitent les socialistes depuis qu'ils ont entrepris le travail de renouvellement de leadership. Et l'interrogation qui est dans tous les esprits est la suivante : comment va-elle œuvrer pour faire la synthèse entre la fidélité à ses nombreux soutiens, notamment parmi les gourmands éléphants du PS qui lui ont maintenu la tête hors de l'eau face au rouleau compresseur de Ségolène Royal et la réalité d'un parti qui, à presque cinquante pour cent, a voter contre elle ? Ceux qui s'interrogent sur la nouvelle physionomie de l'exécutif socialiste savent que Martine Aubry est dans l'obligation de faire des concession à ses adversaires sur le dos sans aucun doute de ses alliés et soutiens. Lors de sa campagne, Martine Aubry avait déjà émis le souhait de construire un «hadow cabinet à la britannique, un secrétariat national qui sera un contre-gouvernement où «chacun suit un ministre». Le secrétariat sera donc composé de 15 membres, le nombre des ministres du gouvernement Fillon. Pression supplémentaire sur les épaules de Martine Aubry, cette fabrication de leadership se fait sous les quolibets moqueurs de la majorité présidentielle. Quand dans son premier communiqué, elle avait osé critiqué la politique économique du président de la République, une violente réplique lui est venu de l'UMP dont une des porte-parole Frédéric Lefébvre : «La dame des 35 heures est totalement disqualifiée pour donner de grandes leçons en matière de politique de l'emploi». Même le taciturne François Fillon y va de son grain de sel lorsque, participant ce week-end au congrès fondateur de gGauche moderne, parti allié de l'UMP créé par l'ex-socialiste Jean-Marie Bockel, il affirme que le PS «ce parti divisé, n'a que pour seul ressort, pour seul projet l'anti-sarkozysme».