Les socialistes français sont entrés dans une période d'auto-flagellation intense avec un seul mot d'ordre à l'urgence absolue: la refondation. Le choc fut rude et la bérézina presque totale. Le bateau socialiste, conduit par le capitaine Martine Aubry, semble couler avant même d'avoir quitter le port. Au-delà de l'ampleur de la défaite qui fait perdre aux socialistes de nombreux sièges au Parlement européen, le PS dut avaler une couleuvre à double arêtes tranchantes: celle de se faire laminer par un parti du gouvernement, l'UMP, dont les dirigeants portent l'entière responsabilité de la morosité sociale et économique ambiante et celle de se faire rattraper par des Verts (Europe et écologie), un ramassis de personnalités originales et folkloriques habituées à évoluer aux marges et à jouer les forces d'appoint. L'état convalescent du PS au sortir d'un fiévreux congrès de Reims et du choix plus qu'hésitant d'une première secrétaire contestée, avait besoin de tout sauf de cette thérapie de choc qui lui casse le moral et le renvoie à ses démons. Ce scrutin européen et ses résultats catastrophiques pour le PS a eu l'effet d'un cutter aiguisé sur une blessure encore ouverte. Les socialistes français sont entrés dans une période d'auto-flagellation intense avec un seul mot d'ordre à l'urgence absolue: la refondation. Les incantations des uns et les rêves éveillés des autres font le même constat : l'actuel leadership des socialistes n'est apte ni à mener vers des victoires ni à formuler un projet alternatif à la droite triomphante qu'incarne Nicolas Sarkozy. Toutes les critiques ont donc convergé vers une seule personne : Martine Aubry. Son choix comme numéro un de la rue de Solferino à l'issue de douloureuses tractations entre des baronnies qui cherchaient plus à se neutraliser qu'à additionner leurs forces, donnait l'impression de suffire à positionner le PS comme un efficace parti d'opposition. Or, Martine Aubry n'a pas trouvé les ressorts nécessaires pour séduire, convaincre et entraîner. Martine Aubry, une belle mécanique intellectuelle assombrie par une coupe de cheveux d'une sévère proviseur de lycée, sur un look vestimentaire de provinciale excessivement sage, n'avait naturellement pas le charisme naturel d'un chef d'orchestre. Son évolution à la tête du PS donnait au parti cette désespérante impression de vivre une parenthèse transitoire qui se fermera bientôt, dès que, par miracle, le leader naturel qui portera les rêves socialistes aura été trouvé et identifié. Mais il n'y avait pas qu'un déficit de style qui plombait la gouvernance de Martine Aubry. Les handicaps de look et d'apparence auraient été facilement dépassés. La fille de Jacques Delors, la dame des 35 heures, était assaillie par d'autres contradictions parmi lesquelles se trouvait son incapacité manifeste à opérer une vraie synthèse qui fédère l'ensemble des sensibilités socialistes. Cet échec avait abouti à un résultat désastreux, celui de créer des oppositions internes qui augmentent les tensions et les contradictions. Deux erreurs visibles, entre autres, expliquent la défaite dans ces européennes : la politique des parachutages artificiels ordonnée depuis Paris a eu le don de démobiliser les troupes et de désarçonner la base et le bras de fer public que Martine Aubry et Ségolène Royal se sont livrées pendant cette campagne. Pendant longtemps, les socialistes ont oublié de livrer bataille à l'adversaire et se sont contentés de se neutraliser. Le conseil national du PS de mardi soir, tenu à huis clos, dans un hôtel parisien, a été l'occasion de la grande explication entre ses dirigeants. Tous ont eu plus au moins l'occasion de livrer leur analyse de cette échec, sauf Ségolène Royal qui s'est murée dans un silence stratégique. Son entourage ne prévoit de déclarations publiques de sa part que le 15 juin prochain à l'occasion d'une université populaire participative. Ségolène Royal a eu raison de freiner son ardeur. Une réaction à chaud aurait l'inconvénient de l'obliger à se prononcer sur des questions aussi épineuses que le leadership contesté de Martine Aubry ou de s'expliquer sur sa stratégie de s'allier avec le patron du MoDem François Bayrou qui vient de connaître un des échecs dont il aura du mal à se remettre.