Entre Martine Aubry et Ségolène Royal, la hache de guerre n'a jamais été enterrée. La première reproche à la seconde sa rébellion permanente, tandis que Ségolène Royal continue d'appréhender Martine Aubry comme une usurpatrice. Signe incontestable de la profondeur de la division et de l'ampleur de l'amertume, un cliché qui aurait dû faire partie du matériel classique et banal d'une campagne électorale devient à lui seul l'unique, la grande sensation de ces élections: celui montrant, à Rezé, dans la banlieue de Nantes, Ségolène Royal aux côtés de Martine Aubry. Le fruit d'un véritable exploit, d'une âpre négociation entre deux femmes politiques que tout sépare et qui sont pourtant obligées de ramer dans la même barque. Entre Martine Aubry et Ségolène Royal, la hache de guerre n'a jamais réellement été enterrée. La première reproche à la seconde sa rébellion permanente, sa non reconnaissance du vote de militants qui avec une différence de 102 voix ont préféré l'installer à la rue de Solferino après le dantesque congrès de Reims. Tandis que Ségolène Royal continue d'appréhender Martine Aubry comme une usurpatrice qui lui a volé, à coups de basses manipulations d'appareils, de retournements de vestes et de consciences, une victoire légitime. Le fossé rempli de haine et de rancune qui sépare les deux femmes était sans aucun doute à l'origine de l'immense difficulté qu'a rencontrée la machine socialiste pour organiser des meetings communs entre les deux premières femmes. L'occasion de les voir ensemble étaient suffisamment rare pour pousser les commentateurs à gloser sur l'incompatibilité d'humeur entre ces dirigeants qui paralysent les socialistes. Les deux icônes socialistes ont failli figurer sur un cliché commun lors des manifestations du 1er mai dernier. L'instant était fort attendu comme un signal suprême d'unité. Mais à la dernière minute, Ségolène Royal a fait faux bond à Martine Aubry et a préféré aller battre le pavé ailleurs, à Niort aux côtés des ouvriers de l'équipementier automobile Heuliez. De cette déception du premier mai est née la titanesque volonté de les rassembler pour un meeting commun. La petite ville de Rezé de la Loire-Atlantique fut choisie pour être le théâtre des retrouvailles. C'est que la négociation fut rude entre les deux femmes. La presse avait fait état d'un prix à payer demandé par Ségolène Royal pour garantir sa présence à ce meeting. Et comme certains commençaient à se moquer de son côté star du show-biz qui ne vient à une manifestation qu'en échange d'un juteux cachet, Ségolène Royal avait changé de fusil d'épaule: «Je viens à Nantes sans préalable, dans l'objectif de l'unité du parti (…) je lance un appel à l'unité de tous ceux et celles qui veulent une Europe sociale. Il faut rassembler nos forces à l'égard des principales victimes de la crise, car c'est l'Europe sociale qui nous permettra de sortir de cette crise». Martine Aubry avait déjà répondu à la demande formulée par Ségolène Royal d'avoir un rôle ou une mission au PS : «Je suis convaincue qu'à partir des propositions qu'elle a faites, je suis sûre qu'on trouvera la place qui lui revient». Mais l'unique musique qui a dû satisfaire les oreilles de Ségolène Royal est celle où Martine Aubry joue la partition du sacrifice individuel au profit d'une entreprise collective : «je ne suis pas au Parti socialiste pour une ambition personnelle, je suis là parce que je pense que le PS a un destin collectif aujourd'hui : c'est d'être le ciment de la gauche». L'UMP, par la voix de son porte-parole Frédéric Lefebvre, n'a pas manqué d'ironiser sur cette rencontre : «Les gens auront les yeux rivés sur Rezé, en passe de devenir le symbole du mariage forcé (…) On va regarder avec attention ce qu'il y a dans la dot». Aux yeux de Martine Aubry, l'UMP n'a pas vraiment de raison de fanfaronner. Les sondages annoncent, selon elle «la défaite annoncée du parti du président» avec cette argumentaire qui ne manque pas de sel : «Il y a aujourd'hui une seule liste en France qui défend sa politique, c'est celle de l'UMP. Elle est créditée de 26 à 28%. Imaginons même que ce soit 30%. Un président qui a été élu avec 53%, il y a deux ans, et qui se trouve soutenu par moins d'un tiers des Français: voilà la défaite annoncée».