La nouvelle tactique de Ségolène Royal n'est pas de se livrer à un bras de fer juridique avec les instances du parti, mais de prendre acte avec ses militants. Peut-être était-ce dû à une forme de pudeur contenue ou à un pur calcul politique, Ségolène Royal n'a pas pu user et abuser de la stratégie de victimisation après la validation par le conseil national du PS de la victoire de sa rivale Martine Aubry. Et pourtant, tous les ingrédients de cette stratégie étaient réunis pour relativiser son échec et prendre rendez-vous avec l'avenir. Ségolène Royal aurait pu publiquement dénoncer que tous les éléphants du PS à grosses défenses et aux puissants courants se sont ligués contre elle dans un implacable front du «Tout sauf Ségolène». Et pourtant, jusqu'au bout de ce processus, elle a failli battre Martine Aubry, apparue comme une candidate de l'appareil et de la nomenclature. Alors qu'on la donnait cadavérique, exhalant ses derniers souffles après ses multiples échecs, la voilà qui renaît de ses cendres et prouve que ses «désirs d'avenir» sont capables de mobiliser 50% du vote des militants socialistes là où tous les pronostics la décrivaient campant sur une minorité d'allumés aussi urbaine que tentés par l'alliance avec le centre de François Bayrou. Cette réalité est décrite avec l'enthousiasme de circonstance par Ségolène Royal : «nous sommes partis de tellement loin et nous sommes arrivés à convaincre la moitié des militants du Parti socialiste qu'il fallait une transformation profonde - la moitié que dis-je, sans doute un peu plus -, car nous n'avons pas eu droit à un nouveau vote». Un danger mortel guettait Ségolène Royal lors de cet examen de légitimité socialiste, celui de refuser le verdict du conseil national et de recourir à la justice pour en dénoncer les résultats. L'acuité de ce danger était telle que le premier cercle qui entoure Ségolène Royal était violement tiraillé. Tandis qu'un de ses proches, Manuel Valls, député de l'Essonne ne cessait de menacer de faire appel à la justice : «Ce qui s'est passé ce soir est un déni de justice. Il y aura bien évidemment des tribunaux qui seront saisis», un autre porte-parole de Ségolène Royal, Vincent Peillon, celui dont le nom avait circulé pour prendre le premier secrétariat exécutif, n'est pas sur la même longueur d'ondes : «Aujourd'hui, ce que je dirais à Ségolène Royal, c'est que je ne crois pas que ce soit utile et nécessaire (…) ça durerait des mois et dans le fond, ce serait un cadeau incroyable fait à la droite». La nouvelle tactique de Ségolène Royal n'est pas de se livrer à un bras de fer juridique avec les instances du parti, mais de prendre acte avec ses militants. C'est ce qu'elle vient de faire dans une étonnante déclaration de prise de rendez-vous pour les échéances à venir : «J'ai besoin de vous, j'ai besoin de vos idées parce que nous continuons. 2012 c'est bientôt, 2012 c'est demain, 2012 c'est dans trois ans et donc c'est dès maintenant que nous nous y mettons. A très bientôt !» Cette simple annonce est une véritable déclaration de guerre à l'actuelle direction du PS et tous les prétendants à la candidature pour la course à la présidentielle. Le PS, le parti qui a « frôlé le pire mais qui a montré qu'il était capable du meilleur» pour reprendre l'expression de François Hollande, le premier secrétaire sortant, se trouve devant des complications politiques encore plus dures à résoudre que celles qui avaient cours avant le vote des militants. Pour Martine Aubry et ses parrains, l'objectif principal était d'empêcher Ségolène de faire main basse sur le PS avec l'intention explicite de lui barrer la route pour la présidentielle de 2012. Mission à moitié réussi epuisque Ségolène Royal n'a pas eu le parti, mais a pu démontrer qu'un militant socialiste sur deux lui faisait confiance, alors que Martine Aubry s'est révélée être «gardienne de la moitié du temple» pour reprendre l'expression d'un éditorialiste français. En se plaçant depuis aujourd'hui dans l'orbite de 2012, Ségolène Royal met ses adversaires dans l'obligation de réagir et de configurer tous leurs choix à l'aune de cette prise de rendez-vous publique avec le futur. L'actuelle hiérarchie du PS, qui rejette de manière épidermique Ségolène Royal, n'a de choix qu'entre la soumission à ce désir ou son sabotage actif. Ce qui promet de belles bagarres et autres dissonances du PS en perspective.