Sans le citer, Ségolène Royal avait dégoupillé une grenade assourdissante contre le président de la République française Nicolas Sarkozy. Du Sénégal où elle se trouve encore en visite, Ségolène Royal doit jubiler de plaisir en observant le pataquès politique et médiatique qu'elle vient de provoquer. D'une posture assurée et murement calculée, elle vient de demander pardon au nom de la France du discours jugé «raciste» que Nicolas Sarkozy avait prononcé en juillet 2007 à Dakar. Sans le citer, Ségolène Royal avait dégoupillé une grenade assourdissante contre le président de la République : «Quelqu'un est venu ici vous dire que «l'Homme africain n'est pas encore entré dans l'Histoire» Pardon, pardon pour ces paroles humiliantes et qui n'auraient jamais dû être prononcées et -je vous le dis en confidence- qui n'engagent ni la France ni les Français». Nicolas Sarkozy, l'homme qui a bâti sa fortune politique sur son incurable désir d'affronter l'adversité et de croiser le fer avec ses détracteurs, préfère, cette fois, passer son chemin et ne pas accorder d'attention à ce qui ressemble à une vraie polémique configuratrice des rapports entre la France et ses anciennes colonies africaines. Il lâche, désabusé en apparence, : «Je n'ai pas le temps pour la polémique». Le silence présidentiel que justifie à la fois une forme de pudeur à ne pas raviver les aigreurs d'une erreur de communication politique non assumée, doublée de la volonté de ne pas tomber dans un piège tendu par Ségolène Royal, fut largement compensée par la violente revanche de la majorité. Le feu vert a été donné au gouvernement et à l'UMP de déployer une large gamme de critiques contre l'ancienne candidate socialiste à la présidentielle pour la ridiculiser et lui ôter toute crédibilité. Une des réactions les plus révélatrices du malaise de l'exécutif fut celle du Premier ministre François Fillon : «J'invite Mme Royal à plus de retenue et de dignité lorsqu'elle évoque la France et ses autorités hors de nos frontières». L'entrée en scène de François Fillon dans une polémique aussi bouillante indique que Ségolène Royal a gratté une cicatrice encore béante. «Le pardon» de Ségolène Royal aux Africains a eu le don de réaliser au moins trois objectifs immédiat. Le premier a été de gêner Nicolas Sarkozy au point de l'astreindre au silence et l'obliger à sous-traiter sa colère par des déclarations révoltées à l'hystérie de la majorité présidentielle. Le second a été de mettre l'appareil diplomatique français dans un insoutenable embarras. Le ministre des Affaires étrangères, l'ancien socialiste Bernard Kouchner, a été obligé de reconnaître que la phrase de Nicolas Sarkozy sur l'Homme africain était «maladroite». Déclaration qui ne va pas arranger les relations entre les deux hommes. La secrétaire d'Etat aux droits de l'Homme, Rama Yade, qui seconde Bernard Kouchner au Quai d'Orsay, elle même d'origine sénégalaise, d'habitude si loquace et si prompte à donner des «preuves d'amour» à Nicolas Sarkozy, s'est livrée à un service minimum en lançant une phrase bateau qui veut tout dire et son contraire sur les Africains qui : «méritaient autre chose que d'être transformés en terrain de jeu de la politique intérieure française». Le troisième objectif réalisé par Ségolène Royal, lorsqu'elle avait sortie le joker du pardon africain, fut d'obliger sa propre famille politique à serrer les rangs derrière elle. En l'espace de quelques jours, ce fut la seconde occasion où l'appareil du PS était obligé de suivre Ségolène Royal : la première fois lorsqu'elle avait tenté de comprendre les ressorts qui poussent les salariés à séquestrer leurs patrons et cette fois sur le discours de Dakar de Nicolas Sarkozy. Martine Aubry, la rivale de toujours de Ségolène Royal, trouve que cette dernière «a eu raison de tenir un discours qui recrée un lien pas seulement affectif mais humaniste entre l'Afrique et l'Europe, entre l'Afrique et la France». Même position de Benoit Hamon, porte parole du PS : «Elle a raison (...) je ne vois pas pourquoi on va lui chercher querelle là-dessus».