Ségolène Royal s'était retranchée dans le mutisme politique des perdants qui attendent l'heure de la revanche. L'échéance municipale semble donner vie à ce désir. De l'avis de nombreux observateurs, le meilleur cadeau pour l'année 2008 que Nicolas Sarkozy ait pu faire à Ségolène Royal est sa décision de «politiser» et de «nationaliser» le scrutin municipal de mars prochain. Cette stratégie a non seulement eu le don de remettre en selle la candidate socialiste, mais aussi d'imposer au Pari socialiste, à la recherche d'un leadership pour remplacer François Hollande, une accélération de son agenda interne. Cette approche fait de l'élection municipale le troisième round décisif d'une bras de fer qui s'est engagé l'année dernière entre la gauche et la droite et qui avait commencé par une présidentielle perdue par les socialistes et une législative à peine gagnée par la droite. Et pendant toute cette période, Ségolène Royal s'était retranchée dans le mutisme politique des perdants qui attendent patiemment l'heure de la revanche. L'échéance municipale semble donner vie à ce désir. Après avoir passé un temps politique précieux à justifier son échec et construire sa reconquête des admirateurs déçus, Ségolène Royal semble profiter de cette bipolarisation du scrutin municipal pour charger Nicolas Sarkozy et son style en totale contradiction avec l'ensemble de ses promesses électorales : «Nicolas Sarkozy, c'est l'exhibitionnisme et la provocation (…) Le roi s'amuse. Il vit comme un milliardaire. Il s'offre des bijoux de milliardaire et pendant ce temps-là nous, nous attendons des solutions». La stratégie apparente de Ségolène Royal est de revêtir les habits de première opposante à Nicolas Sarkozy en faisant en sorte que les résultats du scrutin municipal sanctionnent les choix présidentiels et valident la démarche des socialistes en faisant ce bilan après huit mois de présidence Sarkozy : «on peut dire que le temps des illusions se termine et que celui des inquiétudes commence». Et ce vœu sous forme de cri de ralliement : «Nous allons lui répondre dans les urnes en votant massivement pour la gauche». Pour bien marquer sa différence avec un président de la république aux préoccupations mondaines, à la réputation d'infatigable «jet-setteur», adorateur du clinquant, Ségolène Royal laboure les petites villes de province avec une volonté manifeste de montrer sa proximité avec le terroir qui s'interroge avec inquiétude sur son avenir et qui souffre des malaises de son présent. D'ailleurs l'angle choisi par Ségolène Royal pour démystifier l'aura persistante de Nicolas Sarkozy sera son rapport avide avec l'argent, aidée en cela par les révélations tonitruantes par l'ex-Madame Sarkozy, Cécilia dans les nombreux livres qui lui sont actuellement consacrés. C'est que l'enjeu pour Ségolène Royal est de taille. Il y va de son avenir politique personnel. Sans le dire ouvertement, elle lorgne depuis longtemps sur la direction du Parti socialiste pour pouvoir affronter les échéances à venir, avec ses arguments : face à «une droite qui est habile, à un président de la république qui a du talent, qui est parfois même diabolique dans ses formes d'ouverture (…) il faut construire une nouvelle organisation politique avec des idées neuves, qui réponde aux questions de notre temps et je suis totalement déterminée à m'impliquer dans cette tâche». Et de tracer son propre agenda : «Si je suis capable de rassembler les socialistes sur cette offre politique, à ce moment-là, j'irais au bout de cette démarche». Pour Ségolène Royal, les prochaines municipales seront décisives. Ses prestations aux niveaux local et national seront scrutées avec attention.Ou elles la mettent sur orbite pour prendre le contrôle du plus grand parti de la gauche française ou elles feront éclore des personnalités concurrentes capables de leur voler la vedette. Ségolène Royal doit aussi composer avec une opinion encore trouble à son égard. Les derniers sondages, notamment celui réalisé par LH2/Libération et qui fait apparaître qu'elle est le meilleur leader pour les électeurs de gauche alors que Bertrand Delanoë, le maire de Paris qui lutte pour sa réélection, ferait un meilleur président de la république.