Ségolène Royal s'est repliée sur sa région du Poitou-Charentes pour la labourer et y construire un leadership régional en prévisions des élections régionales de 2010 au cours desquelles Sarkozy compte rejouer l'exploit des européennes. Si quelqu'un avait pronostiqué qu'arrivera bientôt un jour proche où Ségolène Royal, l'ancienne candidate malheureuse contre Nicolas Sarkozy, la rivale toujours sans concession de Martine Aubry, pourra faire abstinence des médias, quitter volontairement le radar attractif de l'actualité, il aurait été traité avec condescendance d'un doux naïf quand ce n'est un candide rêveur. Et pourtant, c'est ce qui arrive actuellement dans le vie de Ségolène Royal. Elle semble avoir volontairement opté pour le silence, elle qui ne ratait aucune occasion pour faire entendre sa petite musique. Il faut dire que sa boulimie des médias relevait d'un double challenge, celui de contrer Nicolas Sarkozy, un autre boulimique des médias, sur le terrain de la parole publique et celui de résister à la tentative d'étranglement par étouffement que tentait de pratiquer à son encontre la hiérarchie du PS. Ce double objectif l'obligeait en permanence à profiter de tous les sujets pour guerroyer, tenter d'imposer son style, ne pas se faire oublier et éviter les brusques abîmes de l'anonymat dont souffrent traditionnellement les grands perdants des courses électorales et des scrutins à risque. La subite réclusion de Ségolène Royal est à dater de l'échec qu'avait subi le Parti socialiste aux dernières élections européennes. Le choc fut terrible au point de perdre la parole et de tomber dans une paralysante aphonie. Ségolène Royal n'avait d'autre choix que de continuer à parler tous azimuts de ce qui dérange Nicolas Sarkozy comme demander pardon à sa place des fautes de style et de goût et des erreurs de langage et d'approche qu'il commet quotidiennement dans sa pratique du pouvoir ou de revoir l'ensemble de sa stratégie pour se préparer à l'avenir. La meilleur preuve que la stratégie du silence ne lui a pas été imposée comme le calvaire dont souffre un autre perdant devant Nicolas Sarkozy, François Bayrou, le leader du MoDem, c'est qu'elle demeure sollicitée par les grands médias pour s'exprimer sur les grands sujets. Ségolène Royal demeure par son charme, son allure, sa posture et ses irrésistibles tics d'expression une cliente de choix pour le show médiatique. Et pourtant, ce ne sont pas les sujets qui ont manqué pour permettre à Ségolène Royal de sortir de son mutisme. Le discours de Nicolas Sarkozy à Versailles où il livrait une ode à la sociale démocratie méritait une occasion de débat. Le gouvernement d'ouverture sans véritable ouverture de Fillon 4 valait un commentaire. La valse des chaises musicales dans le cercle des intimes de Nicolas Sarkozy pouvait honnêtement susciter un coup de griffe. La subite reconversion gouvernementale à l'écologie politique, malgré «le grenelle de l'environnement», valait un grand coup de gueule. Rien de tout cela n'arriva. Ségolène Royal s'est murée dans un silence d'ermite. Les seuls sujets que l'ex-première dame socialiste daigne évoquer sont des sujets à vocation régionale. Quand la société de l'équipementier automobile Heuliez, pour laquelle Ségolène Royal s'est personnellement investie, a été sauvée de la faillite et reprise par le groupe Bernard Krief Consulting (BKC), Ségolène Royal cria victoire : «C'est la démonstration qu'avec du courage, de l'obstination, du travail, des solutions existent et qu'un autre modèle économique est possible, c'est un message d'espoir pour toutes les entreprises françaises qui sont imaginatives, comme ici pour la voiture électrique et propre». Ségolène Royal s'est repliée sur sa région du Poitou-Charentes pour la labourer et y construire un leadership régional en prévisions des élections régionales de 2010 au cours desquelles Nicolas Sarkozy compte rejouer l'exploit des européennes. Ce retrait volontaire, outre de se faire «désirer», permet d'atteindre deux objectifs: celui de permettre à l'actuelle direction du PS menée par Martine Aubry de montrer les limites de son efficacité et de son management et celui de ne pas s'user avant l'échéance de 2012. Ségolène Royal n'oublie pas qu'un dangereux concurrent, Dominique Strauss-Kahn, est en train de fourbir ses armes depuis Washington où il siège à la tête du FMI, avec des raids ponctuels sur Paris pour mobiliser ses hommes et ses réseaux.