Ségolène Royal avait choisi un autre mode d'expression pour tenter de capter l'affection des siens et remettre à leur juste place ses adversaires. La question était sur toutes les lèvres : Comment Ségolène Royal allait-elle sortir de l'impasse politique dans laquelle les multiples prétendants au leadership des socialistes l'ont acculée ? Quelle recette miracle allait être suivie pour se remettre dans la course alors qu'un invisible et néanmoins solide front se liguait contre elle au PS pour lui barrer le chemin et tuer dans l'œuf ses ambitions clairement exprimées pour la grande échéance de 2012 ? Les militants de la rue Solferino étaient en droit de s'attendre à l'exposition d'un grand programme d'idées et de projet où l'originalité le disputait à l'impertinence. Cela aurait pu être dans la pure tradition d'une surenchère politique classique que se livreraient avec rage les porteurs de motions aussi arides que prétendument sérieuses. Mais Ségolène Royal avait choisi un autre mode d'expression pour tenter de capter l'affection des siens et remettre à leur juste place ses adversaires. L'occasion lui était donnée au Zénith de Paris lors du «Rassemblement pour la fraternité», où devant près de 4000 personnes, Ségolène Royal dégainait son botte secrète. Coiffée comme une starlette du septième art, habillée avec la nonchalance calculée d'une élégante des grands boulevards avec sa tunique indienne sur jeans, Ségolène Royal fouetta avec une rare violence le mode d'expression politique des socialistes habitués jusqu'ici à une rigueur dogmatique qui frise la pingrerie. Ségolène Royal avait un seul message à délivrer. Malgré les tempêtes qui font vaciller les plus solides fondations, elle est toujours là prête à livrer combat. Elle le dit à la manière d'une one woman-show aguerrie aux jeux de lumière et aux effets de manche : «Depuis un an et demi (…) certains qui s'éloignent gaiement, d'autres qui trahissent avec grâce, d'autres encore qui méprisent coquettement! Et les porte-flingues de l'Elysée qui m'ont conseillée publiquement de consulter médicalement, sous-entendant que je perdais la tête. Et de s'étonner: mais elle est encore debout ? Et, en plus, elle continue ? (…) Je suis là aujourd'hui, je serai là demain. Rien ne me fera reculer sur le chemin que j'ai choisi et sur lequel nous marchons ensemble: donner à chacun le droit d'avoir et de bâtir son désir d'avenir». Beaucoup a été écrit sur ce surprenant style de communication politique. Le Figaro, journal de droite proche de Nicolas Sarkozy raillait doucement ce rassemblement : «Pas vraiment un meeting. Pas non plus un concert. Pas tout à fait un festival du court métrage, ni un gala d'humoriste». Mais les critiques les plus acerbes sont venues des rangs socialistes. Une sorte d'unanimité à stigmatiser cette nouvelle méthode de faire de la politique. Henri Emmanuelli, un éléphant du PS, à la dent la plus cinglante : «La politique n'est pas un show. Cette vision de la politique axée sur le marketing, qui s'inscrit dans la logique de la publicité commerciale, qui néglige le fond (...) c'est le genre de cérémonie qui est entre le showbusiness et le rassemblement de sectes». Les candidats déclarés au poste de premier secrétaire du PS y sont partis de leur commentaire acide. Tandis que la Lilloise Marine Aubry affirme : «Je n'ai rien à dire dès lors qu'on n'était pas dans la confrontation et le débat d'idées», le Parisien Bertrand Delanoë laisse pointer un soupçon de jalousie toute méditerranéenne : «Je suis quelqu'un de naturel qui ne se met pas en scène (…) j'ai tellement le sens de la fraternité que je n'avais pas besoin d'aller au Zénith pour être fraternel».