Ségolène Royal visait le meeting qui se tenait dans la soirée de mardi au cours duquel MM. Delanoë et Hollande scénarisaient leur rapprochement. Pour quelqu'un qui faisait ouvertement de la conquête du parti socialiste une condition indispensable pour gagner les prochaines échéances électorales, le brusque changement de stratégie mérite largement le détour. Ségolène Royal, ex-candidate malheureuse à la présidentielle face à Nicolas Sarkozy, vient de créer la surprise en opérant une marche arrière politique digne des grandes manœuvres d'avant congrès. Pour elle, contrôler le PS qu'elle accusait il n'y a pas si longtemps de lui avoir fait défaut dans son soutien et sa mobilisation, n'est plus «un préalable». Pour justifier un tel virage alors que toute son énergie était focalisée sur la conquête de la rue de Solferino, Ségolène Royal se base sur un argument- diagnostic de la situation du parti socialiste pris dans l'engrenage de la guerre des egos : «Je veux mettre un coup d'arrêt à cette lente dégradation du niveau du débat au Parti socialiste, je veux que nous montions d'un cran et donc, ce que je propose, c'est que chacun mette au réfrigérateur les questions de candidature soit au poste de premier secrétaire, soit, pire, à l'élection présidentielle parce qu'il y a encore quelques années à attendre». La posture de Ségolène Royal est bien loin celle adoptée ce fameux 16 mai lorsque, toutes ambitions dehors, elle avait exprimé son ardent désir de succéder à son compagnon François Hollande à la tête du PS avec cette phrase restée célèbre dans l'art de dérouler un appétit politique qui n'avait plus besoin de montrer sa voracité : «Si les militants partagent les orientations que nous proposerons, j'assumerai les responsabilités qui en découlent». Le joker de l'abstention sorti par Ségolène Royal à une courte semaine de la date des dépôts de candidatures et de motions pour le congrès de Reims prévu le 6 novembre prochain a de fortes chances de déstabiliser la stratégie des candidats proclamés ou potentiels au poste de premier secrétaire du PS comme le maire de Paris Bertrand Delanoë, la maire de Lilles Martine Aubry ou Pierre Moscovici, un proche de Dominique Strauss-Kahn, président du Fonds monétaire international. Ségolène Royal a profité de cette annonce pour égratigner son ancien compagnon, père de ses quatre enfants François Hollande qui semble avoir choisi son cheval en la personne de Bertrand Delanoë : «C'est bien de faire de réunions. J'aurais préféré que le premier secrétaire se tienne au dessus des débats, soit simplement le garant du bon déroulement du congrès, ne prenne parti pour personne». Ségolène Royal visait particulièrement le meeting qui se tenait dans la soirée de mardi à Cergy-Pontoise et au cours duquel Bertrand Delanoë et François Hollande scénarisaient leur rapprochement et faisaient part de leur nouvelle idylle politique. De multiples raisons on été évoquées pour expliquer la nouvelle stratégie de Ségolène Royal. Il y a d'abord la nécessité de clarifier les enjeux internes entre réformistes et traditionnalistes de gauche. Mais au delà de sa volonté d'obliger ses concurrents à revoir leurs calculs et leurs alliances, elle semble avoir pris conscience de l'impossibilité structurelle à prendre le contrôle du PS. L'appareil semblait coaguler des forces et des courants antinomiques pour bloquer son ascension dans ce qui apparaît être un mouvement fédérateur des éléphants du «Tout sauf Ségolène». Pour Ségolène Royal, subir une sévère défaite au prochain Congrès de Reims signifie la fin des ambitions socialistes de Ségolène Royal. Mais continuer, tout en gardant l'étiquette socialiste, à exister en dehors de l'appareil en animant «les désirs d'avenir» lui garantit la possibilité de continuer à jouer un rôle dans les configurations à venir. Le 27 prochain, l'occasion lui sera donnée de se livrer à une démonstration de force puisqu'elle organise au Zénith «un rassemblement de la fraternité», présenté comme «un événement citoyen ouvert à toutes celles et tous ceux qui veulent bâtir un monde meilleur». Il est vrai qu'à un moment donné, dans son combat avec les barons socialistes, l'intention avait été prêtée à Ségolène Royal de songer à lancer une nouvelle formation politique, histoire de se débarrasser de leur joug et de capturer leur héritage. Il n'est pas dit que l'idée soit définitivement abandonnée.