Martine Aubry vient de mettre fin à un long suspense artificiellement entretenu pendant la pause estivale sur sa détermination à briguer le poste de premier secrétaire. C'est demain mardi que les principaux leaders du Parti socialiste déposeront leurs motion en vue du congrès de Reims qui doit, le 6 novembre prochain, designer le successeur de François Hollande au poste très convoité de premier secrétaire. A la vieille de cette rencontre décisive, Ségolène Royal avait déjà créé la surprise en décidant implicitement d'abandonner ses ambitions personnelles sur la direction du Parti socialiste avec cette invitation lancée à ses pairs : «que chacun mette au «frigidaire» les questions de candidature soit au poste de premier secrétaire, soit, pire à l'élection présidentielle parce qu'il y a encore quelques années à attendre». L'autre femme socialiste, la Nordiste, maire de Lilles, fille de Jacques Delors, Martine Aubry lui avait répondu vertement, donnant lieu à un savoureux débat sur la température adéquate du théâtre politique : «A un moment où il faut au contraire donner de la chaleur à notre peuple et aux militants, je ne suis pas sûre que le frigidaire soit la meilleure solution». Martine Aubry vient de mettre fin à un long suspense artificiellement entretenu pendant la pause estivale sur sa détermination à briguer le poste de premier secrétaire avec cet argument qu'elle n'envisagerait cette aventure que de manière collective. Or dans la soirée de samedi, elle entrait ne lice se présentant comme la première signataire de la motion qu'elle compte présenter au congrès du PS. Le premier secrétariat du PS compte alors une nouvelle prétendante après la candidature du maire de Paris, Bertrand Delanoë, et celle encore hésitante de Pierre Moscovici, un proche de Dominique Strauss-Kahn, actuellement en charge du FMI à Washington. La candidature de Martine Aubry creuse un vrai sillon dans la liste des prétendants à gouverner la rue de Solferino. Même si elle ne vient de se déclarer que maintenant, sa candidature pour succéder à François Hollande était dans l'air depuis sa réélection triomphale à la mairie de Lilles. Son silence et ses hésitations étaient le fruit d'un calcul conjoncturel : il faillait compter avec l'appétit ravageur d'une Ségolène Royal non encore remise de sa défaite des présidentielles et qui croit dur comme fer que sa carrière ne pourra être relancée que si elle s'emparait de la machine du PS et Bertrand Delanoë qui croit mordicus que sa réélection à la mairie de Paris est le sésame qui lui donne la légitimité de penser incarner une ambition nationale. Pour mener à bien expédition et «faire sauter les clivages du passé» comme elle a eu souvent l'occasion de le rappeler, Martine Aubry doit composer avec le groupe que sa rivale Ségolène Royal est en train de constituer sous l'appellation «ligne claire» depuis qu'elle a passé des accords avec des grands élus du PS comme la maire de Lyon Gérard Collomb, le patron des Bouches-du-Rhône Jean-Noel Guérini et le député de l'Essonne Manuel Valls. Elle doit aussi prendre en compte le nouveau tandem constitué par François Hollande et Bertrand Delanoë qui se pose comme l'héritier naturel de la rue Solferino. Deux grandes inconnues sont susceptibles de renforcer ou de freiner l'hypothèse Martine Aubry. La première dépend de la solidité du soutien que le courant «Rénover Maintenant» animé par le bouillant Arnaud Montebourg est susceptible de lui apporter. Commentant la confirmation de la candidature de Martine Aubry, ce courant rénovateur rappelle dans un communiqué qu'il est «déterminé dans ce congrès inquiétant à lutter contre les dangers de la présidentialisation du parti, à éviter de nouvelles divisions, à imposer un leadership de travail, à assurer le renouvellement des équipes et la rénovation du projet du parti». L'autre grande inconnue est la position d'un homme comme Pierre Moscovici. Invité à abandonner sa propre ambition et à rejoindre Martine Aubry, il laisse transpirer des effluves d'amertume. Il refuse de «s'inscrire dans un attelage de carpes et de lapins à la convivialité moyenne». Pierre Moscovici a la dent dure aussi contre Bertrand Delanoë : «Il a pour lui la cohérence et la capacité d'incarner la stabilité. Mais peut-il, après s'être associé avec François Hollande, incarner le changement qu'attendent les militants ?».