L'extrême gauche est en train de coaguler ses forces avec méthode. Le PS risque de quitter ainsi sa stature de premier grand parti d'opposition de France. Une certitude est déjà acquise dans les esprits, le congrès de Reims où les socialistes français doivent renouveler leur leadership, ne sera pas un long fleuve tranquille. La guerre des chefs aura bien lieu même si l'angoisse de revivre le spectre déchirant du congrès de Rennes, étouffera à coup sûr le bruit des armes et la fureur des frustrations. Les coups de poignard seront sourds et les étranglements silencieux. Les dirigeants du PS ont jusqu'à ce jour échoué dans l'unique examen susceptible de les mettre à l'abri d'une telle agitation, celui de se mettre d'accord sur les contours d'une motion capable de dégager une majorité et l'identité d'un chef apte à incarner le consensus. Et il faut dire que le retour inopiné de Ségolène Royal sur le devant de la scène, après avoir été donnée pour politiquement décalée, y est pour beaucoup dans la redistribution forcée des cartes à la veille du congrès de Reims. Les autres forces représentées par l'ambitieux maire de Paris Bertrand Delanoë et la très déterminée maire de Lilles Martine Aubry n'ont pas réussi à imposer aux militants leurs leaderships. Elles furent transformées en force d'appoint à une majorité alors qu'elles ambitionnaient d'être une force motrice. L'énorme handicap, à l'origine du calvaire des socialistes français, est que les militants semblent avoir imposé au parti un choix «naturellement» incompatible avec la stratégie assumée des éléphants et des apparatchiks. Quand Ségolène Royal, jouant la torture capricieuse de l'attente, fait miroiter son «envie» de prendre la tête du PS, d'autres comme martine Aubry ou Bertrand Delanoë toussent de rage et menacent de prendre politiquement le maquis. Ségolène Royal avait beau les adouber en leur adressant des courriers personnalisés, leur allergie à l'hypothèse qu'elle succède à son ex-compagnon François Hollande à la rue Solferino leur paraît pour le moment insupportable et capable de produire des ruptures inédites. Or, la situation est apparue suffisamment grave à un proche de Ségolène Royal, Vincent Peillon pour qu'il se sente obligé à la veille de ce congrès de crier «Halte au feu» et d'adresser un avertissement solennel : «J'appelle Bertrand Delanoë, Martine Aubry, Lionel Jospin à faire très attention à ce qui est en train de se produire au parti. C'est un parti de gouvernement qui doit rester à cette hauteur, (or) il est dans des mains qui ne sont pas très responsables ces jours-ci». Il est vrai que les socialistes, outre leurs division naturelles, affrontent deux dangers majeurs. Le premier est qu'ils soient dépassés sur leur gauche par des hommes comme Olivier Besancenot très actif et efficace dans la capitalisations des amertumes et la fédération des frustrations. L'extrême gauche est en train de coaguler ses forces avec méthode. Le PS risque de quitter ainsi sa stature de premier grand parti d'opposition de France. Le second danger est qu'ils affrontent un président de la République déterminé à demeurer à l'Elysée pour un second mandat et très connu pour sa capacité manœuvrière et dont l'exercice de l'ouverture politique et «l'utilisation des ressources humaines du PS» n'était qu'un échantillon. D'ailleurs, «Le canard Enchaîné» de la semaine dernière attribuait cette phrase à Nicolas Sarkozy, selon laquelle, il aurait confié à ses proches avoir réalisé une grande performance en parvenant à imposer la date du 15 novembre pour le sommet de Washington destiné à traiter la crise économique, date qui ferait passer le congrès de Reims pour un non-événement. Par ailleurs la majorité présidentielle ne laisse aucun répit aux socialistes. Tandis que le secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement, Roger Karoutchi, estime que «dans cette foire aux ambitions, la question du projet politique a complètement cédé devant le combat d'ego», le Premier ministre, François Fillon, pousse l'ironie jusqu'à donner des conseils aux socialistes: «Il faut que le PS choisisse une ligne politique, qu'il s'y tienne, et que puisse s'engager un débat dans le pays, qu'on puisse avoir face à nous un vrai leader au lieu de cinq ou six interlocuteurs à la fois».