Abderrafii El Jaouhari, membre du bureau politique de l'USFP, invite le parti à reconsidérer sa ligne politique, à un mois de la tenue du deuxième tour de son congrès prévu en novembre. ALM : Comment évaluez-vous les chances de succès du 2ème tour du 8ème congrès de l'USFP ? Abderrafii El Jaouhari : Pour répondre à cette question, il nous faut d'abord déterminer ce que nous entendons par succès. Si le succès du congrès dépend de l'élection du Premier secrétaire du parti et des autres instances dirigeantes, il n'en sera vraiment pas un. Le problème ne se situe pas à ce niveau. La polémique qui tourne autour d'un sujet «d'ordre organisationnel» reflète en fait une crise politique profonde du parti. Plusieurs de mes confrères pensent que l'élection d'un Premier secrétaire permettra à l'USFP de sortir de l'impasse. Le vrai problème est la ligne politique adoptée par notre parti. Pour la réussite de ce 2ème tour, les congressistes sont appelés à débattre d'une manière profonde de la ligne politique. C'est un élément capital pour réussir ce 8ème congrès.
Pourriez-vous définir les enjeux du huitième congrès ? Parmi les points qu'il faut inscrire à l'ordre du jour, d'abord revoir les fautes commises en 2002, lorsque l'USFP a quitté le processus démocratique et rejoint le gouvernement Jettou. Aussi, la participation au gouvernement El Fassi était une erreur. Il est temps de rejoindre les camps de l'opposition. Quand je dis opposition, je n'entends pas l'opposition pour l'opposition, il faut plutôt constituer une force capable de présenter des alternatives et des solutions. Le congrès doit également débattre de la question de la Constitution. Il faut tracer des lignes claires entre les pouvoirs de l'institution monarchique, avec tout le respect qu'on lui doit, et les autres institutions. La réussite du congrès a besoin d'un choc électrique sévère pour que l'USFP revienne en force sur le champ politique national. Le parti de l'USFP est entré dans une série de coalitions et il a oublié sa vraie force liée à la société. Aujourd'hui, notre parti est appelé à se réconcilier avec cette base.
L'élection du Premier secrétaire directement par les congressistes est-elle la meilleure formule électorale ? L'élection directe contient des avantages et des inconvénients. Élire d'une manière directe le Premier secrétaire du parti lui donne une grande légitimité. Mais il y a le risque que ce Premier secrétaire agisse d'une manière unilatérale et s'oppose aux autres membres du parti, puisqu'il sera une institution à part entière. Auparavant, le congrès élisait le Conseil national. Cette instance choisissait par la suite le bureau politique, et ce dernier répartissait les responsabilités entre ses membres et désignait un Premier secrétaire du parti. Jusqu'à présent, nous ne sommes pas mis d'accord sur ce procédé. Ce sont les congressistes qui doivent en décider. Malgré ces contraintes, nous n'avons aucune autre solution possible que celle de l'élection directe. La divergence des points de vue existe et personne ne peut nier cette évidence. Au sein de l'USFP, il existe une divergence sur les points de vue, mais les Usfpistes doivent régler leurs conflits d'une manière calme et faire primer l'intérêt du Maroc. Nous vivons une période transitoire. Dans l'avenir, il nous faut absolument restructurer ces courants pour donner plus de vivacité à notre parti et retrouver la démocratie interne.
Quel serait pour vous le profil idéal du prochain Premier secrétaire du parti ? Le Premier secrétaire du parti doit avoir assez de courage pour revoir les erreurs de 2002 et de 2007. Il doit être capable de défendre cette position et l'appliquer en collaboration avec les autres instances du parti. Le prochain Premier secrétaire doit également éviter d'abuser de son autorité, de s'opposer aux autres membres du parti et de prendre des décisions unilatérales.
Êtes-vous pour ou contre la participation de l'USFP au gouvernement ? Ma position à ce sujet était claire, et ce, depuis 2002. Quand nous avons quitté le processus démocratique, j'avais alors affirmé que nous devions assumer les résultats politiques de cet acte. Quitter ce processus veut dire que les règles du jeu politique ont changé. Et nous n'en sommes pas responsables. Nous avons accepté de faire partie d'une alternance consensuelle pour servir notre pays. Malheureusement, ce contrat politique n'était pas écrit noir sur blanc. Et nous gardons dans l'esprit les paroles d'Abderrahmane El Youssoufi quand il a déclaré que ce contrat était plus fort pour qu'il soit transcrit. Mais, la politique veut que chaque partie fasse ses propres comptes. En 2002, je me suis contenté de protester au niveau interne du parti. Mais, aujourd'hui, surtout après l'erreur commise en 2007, j'ai décidé de parler haut et fort et reprendre ma liberté d'expression. Je réaffirme que l'opposition ne veut pas dire extrémisme et nihilisme. Notre présence au gouvernement ne nous permet pas d'appliquer notre programme électoral. Alors, je ne vois pas de raison pour rester et soutenir ce gouvernement. Que pensez-vous d'une alliance entre l'USFP et le PJD ? Quand on parle de l'USFP, on parle d'un parti social-démocrate. Nous ne pouvons pas nous unir avec un parti qui confond religion et politique. Le PJD a sa propre idéologie, qui s'oppose catégoriquement à nos principes et convictions. Je suis contre un jeu politique tributaire d'une phase déterminée. L'USFP doit plutôt focaliser l'attention sur des formations politiques qui ont la même idéologie. Auparavant, nous avons appelé à créer un pôle de gauche fort par sa position et ses suggestions. Le temps a passé, et plusieurs partis ont vu le jour en quittant l'USFP. En plus, les élections de 2007 ont démontré qu'aucun parti politique ne peut à lui seul prétendre au changement. Il est alors indispensable que toutes les formations de gauche unissent leurs forces pour la création d'un seul bloc de gauche. Peu importe qui sera responsable de cette alliance. L'essentiel est que les partis concernés partent d'une même base : social-démocrate.
La coalition de gauche annoncée peut-elle faire le contrepoids au rassemblement de la droite libérale et le PAM ? Nous pouvons structurer l'administration en amont, puisqu'il s'agit d'une structure hiérarchique où nous trouvons un président, un vice-président... Mais, quand on passe au champ politique, on ne doit pas appliquer le même principe. Malheureusement, la scène politique nationale garde cette image, c'est-à-dire une restructuration qui vient d'en haut. Ce que nous avons connu par le passé, à travers la création de partis politiques à des fins bien déterminées, est revenue aujourd'hui sous de nouvelles formes. Des partis politiques qui s'unissent pour créer un pôle suite à des instructions dictées. L'important est que nous concentrons nos efforts sur nos affaires internes.