Le président de la République française se trouve en première ligne pour prendre les décisions douloureuses qui s'imposent et trouver les mots justes qui rassurent. Il n'y a plus de doute à avoir. Nicolas Sarkozy est en train de vivre la plus grande crise de sa carrière politique et la plus violente de son quinquennat. Avec la crise américaine qui s'abat sur l'Europe et qui menace directement ses fondations économiques et financières, Nicolas Sarkozy se trouve en première ligne pour prendre les décisions douloureuses qui s'imposent et trouver les mots justes qui rassurent. Il n'est pas certain que la tâche, avec ce qu'elle contient de centralité fébrile et enivrante, déplaît profondément ou rebute le président français, tant son style de gouvernement a montré son attirance vers le fil du rasoir politique et les lignes de rupture d'époque. Nicolas Sarkozy aurai bien aimé assumer ce rôle dans des conditions sociales et économiques que celles que vit actuellement la société française. Alors que l'ensemble des acteurs tendaient l'oreille pour savoir quelle posture le président de la République allait adopter pour absorber l'onde de choc américaine qui se profile à l'horizon, un seul chiffre met la classe politique en ébullition et rajoute la tension à la dépression. C'est celui du chômage du mois d'août révélé par le gouvernement. Le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE a fait un bond de 2,2%, soit 41.300 chômeurs en plus, une hausse sans précédent depuis quinze ans de l'aveu même des pouvoirs publics. Autour de ce chiffre, se livre une vraie bataille politique et de communication. Tandis que le gouvernement tente par un effet d'illusions de lier cette mauvaise performance économique aux facteurs exogènes américains, l'opposition tente par tous les moyens de faire porter la responsabilité à la stratégie de Nicolas Sarkozy. Celle qui s'est montrée le plus en pointe dans cette accusation est la maire de Lille, célèbre dame des 35 heures, candidate au poste de premier secrétaire du PS, Martine Aubry : «Depuis des mois, nous dénonçons la politique économique de Nicolas Sarkozy, aussi injuste qu'inefficace. Les deux nouvelles du jour - l'explosion du chômage et le trou abyssal des comptes de la sécurité sociale qui s'annonce pour 2009- sont calamiteuses (…) Ce n'est plus d'échec dont il faut parler, mais d'un véritable fiasco». Ce à quoi, l'UMP, le parti du président a vertement répondu : «On n'a pas de leçon à recevoir de celui qui a en grande partie englué le pays dans la crise, avec les 35 heures (...), l'idée la plus ringarde qui ait été inventée en Europe depuis des décennies». Martine Aubry était aidée dans cette charge par le Parti communiste français qui sort de sa léthargie en estimant que «Quelle que soit l'ampleur de la crise financière, elle ne pourra servir de bouc émissaire permanent à une politique qui fait des ravages depuis des mois», et par François Chérèque, le numéro un de la CFDT qui accuse le gouvernement d'avoir manqué de sincérité et d'avoir «enfumé» tout le monde sur la vraie gravité de la crise. Aujourd'hui, Nicolas Sarkozy ne cache plus la dangerosité de la situation. Le nombreuses rencontres avec les banquiers, assureurs, hommes d'affaires et politiques ont pour mission de transmettre un seul signal : le président s'acharne à trouver des solutions et à ériger des boucliers protecteurs. Henri Guaino, le conseiller spécial et rédacteur des discours de Nicolas Sarkozy dont les gazettes annoncent le retour en lumière après une parenthèse d'ombre est chargé de faire dans la préparation psychologique : « C'est une crise mondiale sans précédent depuis 80 ans (..) Le pire est possible, tout le monde doit en être conscient (...) si on ne fait rien ou si on se trompe la catastrophe n'est pas impossible». Nicolas Sarkozy se doit de remodeler son discours et de revoir son approche. Après s'être targué d'être le président du pouvoir d'achat et promis d'aller «chercher la croissance avec les dents», de provoquer les grandes reformes qui dynamisent la société française, inviter les Français à travailler plus pour gagner plus, dénoncer la capitalisme immoral et spéculateur, le voilà soudain confronté à une situation où il doit non seulement gérer la pénurie provoquée par la grande panique mais prononcer et conjuguer sur tous les tons les mots qu'il veut tant refouler «rigueur» et «austérité».