Si le discours de Versailles est censé donner une impulsion au mandat de Nicolas Sarkozy, il peut aussi être une occasion pour ses adversaires de se mobiliser et tenter de faire front pour contrecarrer ses desseins. L'Elysée avait déjà prévenu même ceux qui ne voulaient pas entendre. Le discours de Nicolas Sarkozy devant les deux Chambres réunies en Congrès à Versailles était destiné à être historique. Un mélange de grande déclaration de politique générale comme l'aurait prononcé un homme comme François Fillon s'il accomplissait réellement sa mission de Premier ministre et de discours sur l'état de l'Union à l'américaine comme l'aurait formulé le flamboyant Barack Obama. Nicolas Sarkozy avait tout fait pour aboutir à cet instant. Une réforme constitutionnelle lourde qui s'est accaparée des temps forts du début de son mandat et dont le seul but est de lui permettre de convoquer députés et sénateurs pour l'écouter discourir. Il y avait un grand risque que cette démarche présidentielle puisse lui attirer un refus de la part des Français, de le voir se mouler avec cette aisance et cette frénésie, dans le costume de l'hyper président, mais le constat des instituts de sondage semble indiquer une autre direction. Selon un sondage Ifop pour le journal de dimanche, 56% des Français qualifient déjà à ce discours de «bonne chose». Le président de la République avait choisi son moment pour inaugurer sa nouvelle prérogative. La victoire de son parti, l'UMP, aux élections européennes alors que les conditions étaient réunies pour subir un vote sanction; lui a donné une fenêtre inédite pour appuyer sur l'accélérateur. Que cette victoire intervienne à mi-mandat alors que l'opposition peine à s'organiser et à accoucher d'un leadership susceptible de le menacer ajoute à l'opportunité du moment une valeur inédite. Les réactions de l'opposition qui avaient accueilli cette décision jetaient un trouble supplémentaire sur l'ensemble de la gauche. Tandis qu'après de longues discussions constipées, les socialistes décidaient de couper la poire en deux en étant présents à Versailles mais sans participer au débat, les Verts et les communistes ont violemment fustigé cette initiative la qualifiant de «mascarade» et de conférence de presse à sens unique. Nicolas Sarkozy intervient dans un contexte particulier. La crise économique, qui avait largué un voile dépressif sur la société française, a suscité de nombreuses attentes. Si la sortie du tunnel n'est pas aussi proche que les indicateurs ne le laissent entendre, l'hyper président se devait de trouver les mots pour faire patienter et donner espoir. Comme le disait avec une verve de circonstance le porte-parole du gouvernement Luc Chatel : «Le pays est plongé dans une crise d'une violence inouïe, il est important que le président remette en perspective l'action du gouvernement pour les mois à venir». Versailles devait être l'occasion pour le président de la crise de devenir le président de la sortie de crise. Le discours, aux accents forcément et involontairement gaulliens, a été élaboré pour ouvrir les grands chantiers qui doivent occuper le reste de son quinquennat et qui préparent en même temps les circonstances d'une reconduction de bail de plus en plus inévitable. Tracer un nouvel horizon pour préparer les esprits et les conditions d'une nouvelle conquête passe aussi par un remaniement ministériel. L'ampleur a été réduite à la baisse. Il n'est plus question de reformater l'ensemble de l'exécutif comme certaines voix à droite, tel Jean-Pierre Raffarin, l'ancien Premier ministre, le suggéraient. Il ne s'agirait plus que de remplacer deux grandes figures du gouvernement que sont Michel Barnier ministre de l'Agriculture et Rachida Dati à la Justice. Tous les deux ont été happés par les lumières du Parlement européen. Si le discours de Versailles est censé donner une impulsion au mandat de Nicolas Sarkozy, il peut aussi être une occasion pour ses adversaires de se mobiliser et tenter de faire front pour contrecarrer ses desseins. Il peut focaliser sur sa personne tous les feux de la critique de toux ceux qui l'accusent de vouloir faire main basse sur les institutions de la République. Nicolas Sarkozy et ses conseillers pourront toujours se consoler en se disant que l'anti-Sarkozysme primaire n'a pas été suivi par les Français qui en ont sanctionné dans les urnes les emblèmes les plus virulents.