Le grand perdant de Versailles est incontestablement le PS. Après une grande hésitation, ses députés ont pris la décision d'assister à ce discours, motivés par le respect des institutions. La magistrale opération de communication politique à laquelle le président Nicolas Sarkozy s'est livré en étant le premier président de la République à discourir devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles depuis 150 ans a fait deux victimes de taille et ouvert un boulevard sans détour devant le locataire de l'Elysée. Deux grandes victimes qui le laissent seul chef aux manettes de sa majorité et sans challenger sérieux pour les épreuves de reconduction à venir. La première victime est le Premier ministre François Fillon, affublé pour l'occasion par la presse d'un sobriquet qui risque de traduire l'ensemble de son attitude au cours du temps qui lui reste à passer à Matignon, «le muet de Versailles». A l'exception d'une bise très furtive que lui a accordée Carla Bruni aux portes du Château et qui l'a visuellement distingué des autres hôtes de Nicolas Sarkozy à Versailles qu'étaient Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale et Gérard Larcher, président du Sénat, François Fillon n'était entouré d'aucun autre éclat que celui dévolu à un fidele directeur de cabinet, quand il ne s'agit pas d'un «collaborateur» du président. Tout dans la démarche et le discours de Nicolas Sarkozy indiquait que la fonction de chef de l'exécutif, François Fillon faisait déjà partie du passé. L'homme a assisté impuissant, en simple témoin, à une véritable déclaration de politique générale de Nicolas Sarkozy, devenu pour l'occasion le véritable chef du gouvernement. L'opposition ne s'est pas trompée sur cet apparent dysfonctionnement des institutions que la réforme de la Constitution de 2008 avait mis en place et exige que le Premier ministre face à sa déclaration de politique générale devant le Parlement et engage sa responsabilité. L'écurie présidentielle avait accueilli cette demande par un fracassant silence sauf des électrons qui cherchent à afficher leur liberté comme Jean-François Copé qui trouve que «cela aurait un sens» et Jean-Pierre Raffarin que cela «aurait pu être utile». Mais nombreux sont ceux qui relativisent cette évanescence de la fonction du Premier ministre. Il faut, disent-ils, la jauger à l'aune de l'ampleur du remaniement ministériel attendu pour ce mercredi. Moins il est important, plus François Fillon semble conforté dans son poste. Moins il touche des hommes qui lui sont fidèles mais qui se trouvent dans le ligne de mire de l'Elysée, plus François Fillon est renforcé aux yeux des ses troupes. Et puis, les aficionados de François Fillon n'hésitent pas à faire remarquer que Nicolas Sarkozy s'est trouvé dans l'incapacité de changer de Premier ministre alors que ni l'envie, née de la distorsion de leurs relations, ne lui manquait. L'autre grand perdant de Versailles est incontestablement le Parti socialiste. Après une grande hésitation, ses députés ont pris la décision d'assister à ce discours, officiellement motivés par le respect des institutions. Ils ont refusé de porter la contradiction à Nicolas Sarkozy dans l'enceinte du Congrès de Versailles. L'excuse officielle est que le président de la République n'était pas obligé de rester pour les écouter et de répondre à leur interpellation. L'excuse officieuse est que les socialistes donnaient l'impression d'être incapables de se mettre d'accord sur le nom d'une personnalité chargée de porter leur glaive. Choisir un excellent orateur et un talentueux bateleur pour s'opposer frontalement à Nicolas Sarkozy, c'était lui préparer la rampe de lancement pour occuper le leadership de demain en face de la droite. Le PS ne semblait pas encore mûr pour cette clarification. Ses chefs se sont alors rattrapés dans leurs déclarations aux médias. Martine Aubry, la première secrétaire, ne laisse paraître aucun doute : «L'impression que j'ai eue c'est que le président laissait les Français devant leurs problèmes, devant la crise, qu'il posait des questions et n'apportait pas les réponses». Tandis que Laurent Fabius, comme à son habitude, se voulait plus mordant : «C'était un discours de communication. La com., vous savez ce que c'est la com. : c'est une abréviation pour communication et comédie».