Nicolas Sarkozy prononcera pour la première fois un grand discours qui fera certainement office de feuille de route pour sa majorité pour conquérir d'autres citadelles électorales. Pour bien formaliser son éclatante victoire dans une élection intermédiaire et tracer la physionomie de sa stratégie à mi-mandat avec l'objectif affiché d'une prolongation de son bail à l'Elysée, Nicolas Sarkozy avait le choix, comme au bon vieux temps de François Mitterrand ou de Jacques Chirac, entre une grande conférence de presse exécutée avec le brio qu'on lui connaît devant un parterre d'influents médias et un joli discours ciselé depuis son bureau sur les grandes chaînes de télévision ou même une grande émission de télévision avec un casting de journalistes choisis. Il ne choisit ni l'une ni l'autre. Il surprit son monde en décidant de mettre en pratique la récente réforme constitutionnelle qui lui permet à loisir de réunir les deux Chambres en congrès à Versailles et d'y prononcer un discours. L'article qui régit cette intervention précise que: «Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l'objet d'aucun vote». De la part de Nicolas Sarkozy, le choix de Versailles est une gigantesque opération de communication pour, à la fois célébrer sa victoire, ressouder son camp, imposer son leadership et consolider son embellie sondagière que connaît sa cote de popularité. Devant les deux Chambres réunies, Nicolas Sarkozy prononcera pour la première fois un grand discours qui fera certainement office de feuille de route pour sa majorité pour conquérir d'autres citadelles électorales et reconduire dans la foulée son mandat présidentielle, puisque la même reforme constitutionnelle lui ouvre la voie d'un autre quinquennat pour 2012. Dès que cette décision a été rendue publique, un débat houleux s'est emparé de la classe politique française : Faut-il oui ou non assister à ce congrès ? Faut-il boycotter et pratiquer la chaise vide ? Faut-il cautionner la manœuvre de Nicolas Sarkozy qui vient avec ce congrès endosser le costume d'hyper président qu'il s'était taillé sur mesure au moment de la réforme constitutionnelle de 2008? Deux segments importants de la gauche ont vite tranché leurs postions. Les communistes que dirige Marie-Georges Buffet n'y vont pas par le dos de la cuillère. Le porte-parole de leurs députés: «C'est un simulacre de démocratie, car il n'y aura ni vote ni débat (…) Une opération de communication de Nicolas Sarkozy (qui) instrumentalise les élections européennes pour annoncer à Versailles la poursuite des réformes ultralibérales». Chez les Verts, le ton est beaucoup plus offensif. Noël Mamère considère ce congrès comme «une mascarade» et «un escamotage» du Parlement. Sa collègue Martine Billard parle «d'une conférence de presse du président de la République qui vient, parle et repart sans parler aux représentants du peuple». Ces appels au boycott ont été contrés par le porte-parole de l'UMP Fréderic Lefebvre : «l'anti-Sarkozysme primaire pousse des parlementaires de la République à un comportement antirépublicain (…) Les lois de la République et la norme suprême, notre Constitution, s'appliquent à tous, même à l'opposition». Mais c'est au Parti socialiste où le débat de participer ou non au Congrès de Versailles a été le plus douloureux. Alors que la question du boycott portée par les autres composantes de la gauche était dans l'air, des voix influentes du PS comme celle de Laurent Fabius ont donné la tonalité : «la politique de la chaise vide ne serait pas comprise». Après de grandes hésitations qui ont trait plus à l'état d'esprit des socialistes au lendemain de leur défaites aux européennes qu'à la convocation lancée par Nicolas Sarkozy de se rendre à Versailles, les socialistes ont fixé le sort de leur participation comme de véritables centristes: «Nous irons à Versailles, a dit leur porte-parole Benoit Hamon, nous écouterons le président de la République mais nous considérons aujourd'hui que ce qui nous est proposé en terme de débat est un simulacre». Le député Arnaud Montebourg a été plus clair dans la démarche à suivre : «Nous serons présents parce que nous respectons l'institution mais nous nous ne nous exprimerons pas en signe de protestation».