Pour s'assurer que les urnes lui donnent la majorité confortable qu'il demande pour mettre en œuvre ses réformes et ses promesses, Nicolas Sarkozy a dû gérer sa victoire avec une intelligence certaine. Au lendemain du premier tour des législatives françaises, les superlatifs étaient à l'œuvre pour décrire la performance de l'UMP, le parti de Nicolas Sarkozy. Une incontestable vague bleue qui s'abat sur l'Assemblée nationale, un tsunami sarkozien qui emporte le Palais-Bourbon, une chape de droite qui enserre la représentation nationale. Devant un parti, l'UMP, gonflé à bloc, les autres formations politiques peinent à rester à l'intérieur du radar législatif. Pour une fois, le suspense n'était pas au rendez-vous. La victoire de l'UMP était prévisible. Tous les instituts de sondages l'annonçaient comme coulant de source. Seule inconnue, l'ampleur de la défaite de la gauche. Si de nombreux politologues attribuent cette victoire, d'abord, aux nouveaux mécanismes du quinquennat et à l'inversion du calendrier électoral qui font bénéficier le vainqueur aux présidentielles d'un immense effet d'entraînement aux législatives, d'autres y voient sans conteste les effets de la dynamique Sarkozy. Pour s'assurer que les urnes lui donnent la majorité confortable qu'il demande pour mettre en œuvre ses réformes et ses promesses, Nicolas Sarkozy a dû gérer sa victoire avec une intelligence certaine. La formation du gouvernement, marquée par des signes forts d'ouverture vers les opposants et de ralliements d'adversaires, a constitué la plate-forme d'un véritable programme électoral que les Français dans leur écrasante majorité semblent approuver. Dans ce que beaucoup considèrent comme un troisième tour des présidentielles, Nicolas Sarkozy a été aidé dans sa performance par les faiblesses et les divisions de ses adversaires. Le Centre s'est émietté en «Modem» dirigé par François Bayrou et en «nouveau centre» piloté par Hervé Morin, ministre de la Défense dans le gouvernement Fillon. Le Parti socialiste, malgré l'unité de façade montrée lors des derniers meetings électoraux, était travaillé par des courants contradictoires qui l'empêchaient de formuler un projet politique lisible et attractif pour les Français. Devant ce raz-de-marée UMP, les représentations de la gauche n'avaient pas de mots assez durs et d'expressions assez crues pour dénoncer l'atmosphère du parti unique qui s'installe en France et les dangers qui menacent ses acquis démocratiques. Le premier secrétaire du Parti socialiste a été chargé de sonner le tocsin. Pour parer au danger, il faut : «le rassemblement de toute la gauche, de tous les républicains, de tous ceux qui se sont mobilisés, attachés aux valeurs essentielles de la République, l'impartialité de l'Etat, le pluralisme au sein de l'Assemblée nationale, la liberté de la presse. Oui, toutes ces valeurs sont mises en cause aujourd'hui». Quant à la candidate malheureuse des socialistes aux présidentielles Ségolène Royal, elle esquisse l'ébauche d'un rapprochement avec le Centre : «A partir du moment où l'enjeu de ces élections législatives est d'empêcher la concentration excessive des pouvoirs entre les mains du même parti, ce que François Bayrou a souligné hier (...), il est évident que les électeurs du Modem doivent rejoindre les candidats du PS» La gauche, emmenée par les socialistes, a un seul mot d'ordre: empêcher que Nicolas Sarkozy ne s'empare de tous les leviers de commande de la République et ne puisse exercer un pourvoir présidentiel absolu. Pour parvenir à cet objectif, elle mise sur le taux d'abstention record qui a marqué le premier tour. Le contexte est favorable à une mobilisation en urgence absolue des larges réservoirs d'abstentionnistes sensibles aux sirènes et avertissements contre les majorités monocolores. À défaut de trouver les arguments électoraux pour formuler un projet politique alternatif à celui de l'UMP et séduire les Français, le Parti socialiste semble se contenter d'organiser la résistance contre l'Etat Sarkozy. Sa campagne du second tour de ces législatives du 17 juin semble focalisée sur un point cardinal : attirer l'attention des Français sur l'impossibilité du débat démocratique s'ils insistent à donner une écrasante majorité à un hyper président comme Sarkozy. L'argument fonctionne sur la peur et la diabolisation. Une recette déjà utilisée sans grand succès pendant les présidentielles.