Il aura fallu beaucoup de maîtrise de soi à Ségolène Royal pour conserver son éternel sourire et son calme devant son échec électoral. Donc au final et après une longue et passionnante campagne, les Français n'ont pu accomplir cet exploit inédit de remettre les clefs de l'Elysée à une femme. Et Ségolène Royal, qui se trouvait à deux doigts de réaliser ce miracle, dut s'incliner devant un adversaire coriace qui avait patiemment tissé sa victoire. Pourtant, il aura fallu beaucoup de maîtrise de soi à Ségolène Royal pour conserver son éternel sourire et son calme devant cet échec cuisant pour les uns, une défaite honorable pour les autres. Les analyses divergent avec un écart qui augure de la violence des affrontements à venir au sein de la gauche française. 47% est un chiffre qui suscite les polémiques les plus contradictoires. Entre amertume défaitiste et optimisme forcené. Les détracteurs de Ségolène Royal lui reprochent de n'être pas parvenue à sortir le Parti socialiste du traumatisme de 2002 malgré une conjoncture favorable qui a vu la famille socialiste afficher une volonté de fer de renaître de ses cendres. Ils lui reprochent surtout de ne pas avoir été capable de battre le chef d'une majorité sortante, Nicolas Sarkozy, aux failles béantes et au bilan gouvernemental catastrophique. Si la bataille était gagnable et ne l'a pas été, c'est faute d'un combattant qui n'a pas été la hauteur de l'enjeu et qui n'a pas su ni trouver, ni exploiter les nombreux points faibles de son adversaire. Les supporters de Ségolène lui accordent au contraire le bénéfice des circonstances atténuantes et la promesse d'un grand destin politique. Pour que le second tour puisse avoir une autre physionomie, il fallait une mobilisation sans faille de toute la gauche plurielle, que l'ensemble des voix centristes de François Bayrou ainsi d'une grande partie des voix du Front National de Jean-Marie Le Pen puissent se reporter sur la candidate socialiste. Ce qui était, sauf raz de marée à dimension historique, impossible à imaginer. Il faut rajouter à cet insurmontable défi arithmétique le soutien à reculons, souvent nocif, apporté par des éléphants du Parti socialiste amers d'avoir été recalés aux primaires. La mauvaise volonté des uns et des autres était telle que la moindre apparition, sur un écran de télé ou dans un meeting, d'un Dominique Strauss Kahn, d'un Laurent Fabius ou d'un Jack Lang, eux mêmes non convaincus de la validité de leur «championne», était une invitation implicite à ne pas voter Ségolène. Que la candidate socialiste puisse réaliser ce score malgré les lourds handicaps qu'elle traine au sein de sa propre famille est déjà un petit exploit en soi. C'est partant de cette équation qu'il faut comprendre le message que Ségolène Royal a tenu à adresser à ses fidèles :«Vous pouvez compter sur moi pour approfondir la rénovation de la gauche et la recherche de nouvelles convergences au-delà de ses frontières actuelles». C'est une posture qui a dû méchamment siffler aux oreilles de la vieille garde avec une nouvelle résonnance de changement et de recomposition. Pour le Parti socialiste comme pour Ségolène Royal, les prochaines législatives s'avèrent être un dernier examen de rattrapage. L'enjeu est de taille, à la hauteur d'un troisième tour de la présidentielle. Il s'agit d'empêcher Nicolas Sarkozy, à la recherche d'une consécration parlementaire, de lancer sa vague bleue sur le Parlement. Les observateurs vont scruter à la loupe la stratégie que Ségolène Royal va mettre en œuvre dans les prochains jours pour s'imposer à un PS dont la direction historique est récalcitrante à la recomposition, à l'ouverture vers le centre, traversée par une guerre d'ego paralysante entre réformistes et partisans de l'union de la gauche. Le PS que Ségolène Royal rêve de reprendre en main, est à la recherche d'un cap politique et d'une nouvelle identité idéologique reconfigurée à la lumière du triomphe de Nicolas Sarkozy. Un immense besoin de rénovation. Pour Ségolène qui croit que le «talisman» du succès est «l'unité», la bataille à venir consiste à trouver une traduction politique à ce «quelque chose (qui) s'est levé (et) qui ne s'arrêtera pas» pour reprendre son expression qualifiant ce vent de mobilisation et ce frisson d'enthousiasme qui ont failli la porter à l'Elysée.