Nicolas Sarkozy, combatif et manœuvrier, avait fini par terrasser un Dominique de Villepin paralysé par un mélange de rigidité et de romantisme idéologique. Les langues désabusées peuvent toujours dire que les critiques et la grogne contre Nicolas Sarkozy, par ces temps de crise et d'impuissance gouvernementale, sont tellement épaisses et multiples que les attaques d'un ancien rival comme Dominique de Villepin peuvent paraître mineures et davantage passer pour de l'aigreur que pour une vraie posture politique. Et pourtant, Dominique de Villepin, l'homme de l'affaire Clearstream, -du nom de ce fichier bancaire tripoté par des mains invisibles qui y ont glissé le nom du candidat à l'Elysée de l'époque Nicolas Sarkozy dans le but manifeste de briser son ambition- est en train de structurer son opposition à Nicolas Sarkozy. Une première preuve de cette nouvelle tendance est donnée par la participation de Dominique de Villepin à une réunion publique organisée par ses fideles à l'Assemblée nationale ce mercredi soir en présence de quelques centaines de personnes. Il s'agit d'une première inédite de l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac. L'intitulé officiel de cette rencontre est de débattre de la décision de Nicolas Sarkozy de réintégrer le commandement militaire de l'Otan contre laquelle Dominique de Villepin, l'homme qui avait incarné le veto français contre la guerre américaine en Irak, avait déjà à plusieurs reprises exprimé son hostilité. La gouvernance de Nicolas Sarkozy sera, à n'en pas douter, au centre de cette intervention très attendue par les journalistes. Entre Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, c'est une histoire d'amour-haine dantesque. Opposés sur tout, sortis tous les deux de la cuisse de Jacques Chirac quand la succession de ce dernier avait été violemment ouverte, Nicolas Sarkozy, combatif et manœuvrier, avait fini par terrasser un Dominique de Villepin paralysé par un mélange de rigidité et de romantisme idéologique. La guerre entre les deux hommes, sur fond de l'affaire Clearstream, avait connu de multiples respirations. Du violent orage fait de rancunes exhibées à une accalmie apaisée qui promettait une réconciliation en route, Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin ont vécu de nombreuses séquences. Quand ce dernier disait du bien de l'action du chef de l'Etat, les observateurs s'étaient précipités à conclure que Nicolas Sarkozy avait réussi à anesthésier Dominique de Villepin que la rumeur publique le décrivait déjà comme animant la campagne des européennes et pourquoi pas occupant un poste gouvernemental. Comme prix d'une solidarité retrouvé. Ce ne fut que des brises d'automne éphémères. La jarre semble définitivement cassée entre les deux hommes, même si la logique politique ne supporte ni le définitif ni l'irréversible. Dominique de Villepin était donc à l'affût du moindre faux pas politique ou de communication de Nicolas Sarkozy. Quand par exemple, récemment le président de la République avait voulu jouer les optimistes en temps de crise en affirmant qu'il avait «la banane» (le sourire en langage non fruitier); Dominique de Villepin s'est jeté sur l'occasion pour le brocarder lourdement : «Le président de la République, l'institution qu'il représente, doit faire preuve non de « banane», mais de sagesse (…) On n'attend pas d'un président qu'il soit survitaminé, on attend qu'il soit sage». Dominique de Villepin, en bon stratège qui a appris l'art de la riposte et le timing de la contre-attaque, ne rate aucune occasion de montrer sa capacité de nuisance. Même sur le sujet du G20 prévu à Londres, rencontre sur laquelle Nicolas Sarkozy compte beaucoup pour se relancer, Dominique de Villepin trouve l'angle pour énerver davantage son adversaire en formulant des propositions qui brouillent celles de Nicolas Sarkozy : «Il y a un chantier de gouvernance mondiale, tout simplement parce qu'une grande partie des problèmes du monde auxquels nous sommes confrontés n'est traitée par personne (…). Créons un conseil de sécurité au niveau des Nations unies, faisons en sorte qu'il y ait davantage de coordination entre le FMI, qui serait chargé de mieux réguler le système international, la Banque mondiale, la Banque des règlements internationaux».