Nicolas Sarkozy dévoile la carte des contacts avec le Hamas à la veille de deux événements majeurs de l'agenda présidentiel des prochaines semaines. Joli pataquès que le journal «Le Figaro» a provoqué en dévoilant qu'un diplomate à la retraite, ancien ambassadeur français en Irak, Yves Aubin de La Messuzières a rencontré les maîtres de Gaza assiégée par l'armée israélienne, le chef du gouvernement Ismaël Haniyeh et un des opérationnels politiques du Hamas, Mahmoud Zahar. Belle cacophonie médiatique que celle lancée par le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner lorsque, invité à confirmer la réalité de ces rencontres, il use de l'euphémisme politique jusqu'à plus soif : «Ce serait difficile de l'infirmer (…) Ce ne sont pas des relations, ce sont des contacts (…) Nous ne sommes pas les seuls à en entretenir (…) nous ne sommes chargés d'aucune négociation». Belle crise diplomatique entre Paris et Washington en perspcetive qui se lit à travers les déclarations commentaires de l'administration Bush. Un des ses porte-parole du département d'Etat, Sean McCormack utilise l'artillerie lourde et distille des menaces à peine voilées : «En général, nous pensons qu'il n'est ni sage ni judicieux d'avoir des contacts avec le Hamas (…) Nous sommes convaincus que ce genre d'efforts ne nous rapproche pas de la paix. En fait, dans certains cas, ils nous en éloigne (…) Notre position reste que le Hamas devrait être forcé de faire un choix». L'intérêt d'une telle révélation et les contorsions diplomatiques qui l'accompagnent est que pour la première fois, Paris admet publiquement avoir violé un code de conduite à l'égard du mouvement Hamas fixé par l'Union européenne et la diplomatie américaine selon lequel il est strictement interdit d'avoir des contacts avec le Hamas, catalogué comme organisation terroriste, tant que ce dernier ne renonce pas à la violence et en reconnaît pas l'Etat d'Israël. Bien entendu, le Hamas a profité de cette polémique en Europe lancée par les Français pour se livrer à un efficace exercice de communication : «Nous confirmons l'existence de contacts entre le mouvement et plusieurs parties européennes, y compris avec des responsables français (…) Ces contacts montrent que l'Europe réalise de plus en plus que sa politique consistant à isoler et boycotter le Hamas était erronée». Pour Nicolas Sarkozy, grand chantre de la mise sous quarantaine du Hamas, il s'agit d'un vrai tournant. Les observateurs avaient déjà noté une inflexion dans son approche de cette crise lors de son intervention télévisée du 24 avril lorsqu'il était invité à commenter la décision de l'ancien président américain Jimmy Carter de rencontrer à Damas le chef du bureau politique du Hamas Khaled Meshâal. Le président français eu cette phrase énigmatique qui, mise sous la lumière de l'actualité d'aujourd'hui , prend tout son sens : «Qu'il y ait des passerelles pour discuter, après tout, moi je ne me permets pas de juger ce que font les uns et les autres. Peut-être que ce sera utile un jour». Nicolas Sarkozy dévoile la carte des contacts avec le Hamas à la veille de deux événements majeurs de l'agenda présidentiel des prochaines semaines. Le premier est son voyage qui se veut historique en Israël prévu fin juin. Le second, le début de la présidence française de l'Union européenne suivi immédiatement par un sommet fondateur de l'Union pour la Méditerranée (UPM). Pour le voyage en Israël, Nicolas Sarkozy ne court pas un grand risque de le voir gâché par cette initiative. D'abord parce des voix et non des moindres au sein de la classe politique israélienne commencent à exiger l'ouverture d'une dialogue avec le Hamas. Et puis, le Premier ministre Ehud Olmert ne vient-il pas de faire une déclaration d'amour à l'oriental en parlant des relations entre la France et Israël : «Ce n'est pas seulement une lune de miel, c'est une histoire d'amour ! Je pense que Nicolas Sarkozy est un très bon ami d'Israël». Pour le second point de l'agenda régional, il n'est pas exclu que des pays arabes de la rive sud de la Méditerranée aient conseillé à Nicolas Sarkozy de tenter de sortir du piège dans lequel la guerre tous azimuts contre le Hamas l'a enfermé, de se distinguer de la rigidité américaine sur le sujet pour pouvoir rallier les soutiens à son projet et lui ouvrir une perspective de réalisation.