Si Nicolas Sarkozy peut se targuer d'avoir réalisé un joli coup médiatique et d'avoir opéré une belle prise de guerre en titillant davantage la gauche, le président de la République n'est pas assuré d'avoir fait une bonne affaire. Et si la vraie grande innovation de ce gouvernement «Fillon 4» était l'arrivée de Frédéric Mitterrand, le neveu de l'ancien président socialiste François Mitterrand, au poste de ministre de la Culture et de la Communication ? Cela en dit long sur le recentrage sur le noyau dur de la droite du nouvel exécutif auquel un savant jeu de chaises musicales avait donné lieu, donnant cette impression d'un surplace en mouvement. Et c'est parce que Frédéric Mitterrand était sans aucun doute conscient d'être la seule vraie attraction de ce gouvernement qu'il s'était permis la veille de s'autoproclamer ministre de la Culture, presque vingt-quatre heures avant que le secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant ne dévoile la composition du gouvernement. Ce caprice de star, voulant absolument faire son entrée avec une fracassante originalité, fut pardonné à Frédéric Mitterrand. Il se trouvait peu d'hommes politiques pour s'horrifier de la violation des simples règles de l'usage républicain. Entre Nicolas Sarkozy et Frédéric Mitterrand, ce n'est une fréquentation nouvelle. Le président de la République venait à peine de le nommer à la tête de la prestigieuse Villa de Médicis, vitrine culturelle française à Rome, le préférant à son ancien conseiller audiovisuel, le journaliste Georges-Marc Benhamou. Il faut dire qu'à l'exception de l'illustre nom, Frédéric Mitterrand n'est pas une grande références à gauche, ni un militant encarté au PS. En 1995, alors que Lionel Jospin tentait au nom des socialistes de prendre l'Elysée à Jacques Chirac, Frédéric Mitterrand choisit de se positionner à droite et d'appeler à voter Chirac. Sans doute pour lui faire payer «le droit d'inventaire» qu'il comptait réaliser sur les deux septennats de François Mitterrand. Lors de la dernière présidentielle, il n'a pas caché sa sympathie pour Nicolas Sarkozy. Même s'ils lui dénient la capacité à se présenter comme un symbole de la gauche, les socialistes français ne donnaient pas l'impression d'avoir subi un coup rude de la part d'un président qui fanfaronne de savoir utiliser les ressources humaines de la gauche. Leurs réactions furent partagées entre une ironie moqueuse comme celle que mania avec sa verve habituelle, Arnaud Montebourg : «C'est un présentateur de télévision qui va être ministre de la Culture!», ou ce constat froid fait par l'ancien ministre PS Pierre Moscovici qui parle d'une: «captation sémantique… C'est l'appropriation d'un nom pris dans un dico, ce n'est pas de l'ouverture à gauche». Eric Besson, ancien socialiste reconverti dans le Sarkozysme militant, ministre de l'Immigration, réfute le cachet d'ouverture attribué à la nomination de Frédéric Mitterrand tout en faisant remarquer que «la seule appartenance politique qu'il ait eue, c'est le parti radical de gauche (…) personne n'est insensible au nom qu'il porte. Ce n'était pas le but de sa nomination, mais c'est la cerise sur le gâteau». Si Nicolas Sarkozy peut se targuer d'avoir réalisé un joli coup médiatique et d'avoir opéré une belle prise de guerre en titillant davantage la gauche et son histoire récente, le président de la République n'est pas assuré d'avoir fait une bonne affaire. Frédéric Mitterrand, homme des médias et du cinéma, grand amateur des monarchies et de leurs histoires, homosexuel assumé et engagé, n'a pas son ego dans sa poche. Avant même sa prise de fonction et lorsque les journalistes l'ont interrogé de savoir s'il ne trouve pas étonnant qu'un Mitterrand devienne ministre de Nicolas Sarkozy, Frédéric Mitterrand avait répondu : «Sarkozy a bien été ministre au temps de Mitterrand». La référence est faite à ces années 1993-1995 où sous la cohabitation, Nicolas Sarkozy était ministre du Budget du gouvernement Balladur avec François Mitterrand comme président. Avec son timbre de voix reconnaissable entre mille, sa voix nasillarde et artificiellement enjouée, Frédéric Mitterrand se présente malgré tout comme un ministre d'ouverture et d'ajouter : «Si l'ouverture veut dire ouverture d'esprit, alors oui je suis un ministre d'ouverture».