Le changement de ton de la diplomatie française à l'égard du Hamas est surtout le fruit de la nouvelle conjoncture internationale qu'offre l'arrivée de Barack Obama aux affaires. Même si elle ne l'a pas crié sur tous les toits, la diplomatie française vient d'opérer un vrai tournant dans son attitude à l'égard du Hamas. Le fracas des armes israéliennes aidant et les échos d'insoutenables massacres contre les civils palestiniens ont dissimulé l'ampleur du virage. Après avoir longtemps milité pour mettre en quarantaine le mouvement de résistance islamique palestinien, soutenu sans réserve Israël dans sa stratégie d'isoler la portion du territoire qu'il contrôle, joint sa voix à celle des Européens et des Américains de George Bush pour le mettre sur la liste des infréquentables organisations terroristes, voici que Paris développe une autre musique qui la rend disponible à ouvrir des canaux de communication avec le Hamas. Et c'est le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, qui était chargé de formuler ce virage à l'Assemblée nationale : «Nous allons continuer non seulement à encourager mais faire un forcing pour obtenir la levée du blocus» car «s'il n'y a pas de levée du blocus de Gaza - et nous l'espérons dans les jours qui viennent- tout recommencera (…) C'est notre avis et nous avons pensé aussi - nous l'avons découvert il y a longtemps - que le Hamas était un des interlocuteurs (…) Nous pensons qu'il faudra parler avec eux quand ils accepteront le processus de paix, lorsqu'ils accepteront de s'inscrire dans la négociation». Les puristes pourront toujours dire qu'au fond, la diplomatie française n'a pas changé d'approche et que la conditionnalité ainsi formulée viderait de sa substance toute ouverture sur le Hamas. Mais d'autres pourront, pour bien souligner l'ampleur du virage, rappeler le tollé général qui avait failli provoquer une grande crise diplomatique entre la France et ses partenaires lorsque fut révélé en avril 2008, la rencontre à Gaza entre un haut diplomate français à la retraite Yves Aubin de la Messuzières et Ismaël Haniyeh «le Premier ministre» du Hamas. Devant la grande polémique qui avait agité le Quartette que dirige Tony Blair et qui avait posé trois conditions avec la reprise de contact avec le Hamas, l'arrêt de la violence, la reconnaissance d'Israël et l'acceptation de la feuille de route, Bernard Kouchner s'en est sorti avec une pirouette qui cachait mal le malaise. Sur le thème, il s'agissait d'une initiative personnelle de Yves Aubin de la Messuzières comparable à celle que mène Jimmy Carter pour l'Administration américaine, Bernard Kouchner avait fini par admettre qu'il s'agissait de simples «contacts» non de «relations» suivies. Nicolas Sarkozy avait alors enterré la polémique en l'enveloppant dans des propos aussi vagues que prometteurs : «Qu'il y ait des passerelles pour discuter, après tout, moi je ne me permets pas de juger ce que font les uns et les autres, peut-être que ça sera utile un jour». Pour l'Elysée d'ailleurs , il ne s'agit ni plus ni moins que d'une mise à niveau de la politique française dans la région : «Si demain il y a un gouvernement d'union nationale, on ne va pas sortir de la pièce parce qu'il y a des ministres du Hamas; il y a bien des ministres du Hezbollah dans le gouvernement libanais». Les observateurs ont cru déceler un fait important dans le comportement de Paris. Interrogé de savoir si la France avait renoncé à poser comme préalable à la discussion avec le Hamas la reconnaissance d'Israël, le porte-parole du Quai d'Orsay, Eric Chevalier, a eu cette réponse sibylline : «Je n'ai pas dit qu'elle n'était pas un préalable. J'ai dit qu'il y avait des éléments du Quartet, avec un élément absolument majeur, qui est celui de la renonciation à la violence». Le changement de ton de la diplomatie française à l'égard du Hamas est surtout le fruit de la nouvelle conjoncture internationale qu'offre l'arrivée de Barack Obama aux affaires. Le nouveau président américain qui s'apprête à designer Georges Mitchell , le talentueux et efficace artisan des accords de paix en Irlande, comme envoyé spécial au Proche-Orient, n'a pas caché sa stratégie d'ouvrir des canaux de discussion avec l'Iran et le Hamas. Nicolas Sarkozy, qui entend cogérer les crises du monde avec Obama, ne pouvait pas rester à la traîne, enfermé dans une logique dépassée par les événements. D'où ce grand redéploiement à l'encontre du Hamas qui s'annonce.