Au moment où le Front National commence, dans une France de plus en plus bipolaire, sa traversée du désert qu'il faut espérer sans fin, plusieurs européens continuent à souffrir de rots identitaires. La droite populaire espagnole a fait sa fête à l'immigration musulmane durant la campagne des législatives du 9 mars. Le Danemark, pays aux mœurs traditionnellement libérales jusqu'à en devenir libertaires, connaît, depuis l'épisode des caricatures, des hoquets chroniques de nationalisme. Mais c'est peut-être le cas néerlandais qui reste le plus pathologique. Ce petit pays qui a fécondé Erasme et qui a su donner aux yeux du monde un modèle de tolérance ne sait plus maîtriser ses phobies ni gérer ses hystéries. Et pour cause. Sur les six dernières années, les Pays-Bas ont connu deux assassinats politiques. Dans l'espace public. En 2002, c'est Pim Fortuyn qui, dans la rue, sera trucidé par un militant d'extrême gauche et militant de la cause animale. En 2004, c'est Théo van Gogh, qui dans les rues d'Amsterdam, sera affreusement assassiné par un Hollandais, d'origine immigrée et marocaine, militant de la cause musulmane. Depuis, tout ce qui touche à l'immigration devient affaire d'Etat. Anecdote révélatrice. Le ministre chargé de la Communauté marocaine Mohamed Ameur qui, dans élan poétique et généreux, a considéré la communauté marocaine à l'étranger constituait la 17ème région du Maroc a été presque sommé de s'expliquer. Et par qui ? Par les autorités hollandaises qui sont allées jusqu'à demander une explication de texte à l'ambassadeur du Maroc convoqué par le ministre des Affaires étrangères néerlandais. C'est le film Fitna qui nous donne rendez-vous pour le prochain chaos du landerneau batave. Ce film que personne n'a vu mais dont tout le monde a entendu parler porte en lui, semble-t-il et en 15 minutes, les germes d'une possible déflagration au sein de la société hollandaise. Les bouches-à-oreille, accentués par le téléphone arabe, y parlent du Prophète Mohammed transfiguré en un personnage de dessin animé et d'un court-métrage dédié à l'injure contre le Coran. Le producteur du film, le député Geert Wilders, a trouvé à 44 ans le meilleur combustible pour se tailler une réputation nationale et internationale. Au djihad islamique, il veut opposer un djihad libéral contre cette « religion fasciste » qu'est l'Islam. Il n'hésite pas à comparer le Coran au livre d'Adolf Hitler «Mein Kampf» et demande son interdiction. Pour lui, l'ennemi, ce n'est pas simplement le fondamentalisme et ses dérives terroristes. L'ennemi, c'est l'Islam. Il voit dans les 5% de musulmans de Hollande, en majorité d'origine marocaine, un facteur d'érosion de toutes les conquêtes de la société en matière de droits de la femme, d'égalité des sexes, de liberté d'expression et de reconnaissance des homosexuels qui sont menacées par cette culture attardée qu'est l'Islam. Décidément, les musulmans ont beau monté les biceps de leur religion, tant qu'ils redoutent l'image, le discours et le débat, ils seront toujours à la merci du premier provocateur venu.