A l'heure où l'Espagne se prépare aux élections législatives du 14 mars, les grands partis espagnols font l'impasse sur l'immigration en provenance principalement du Maroc. L'extrême droite se déchaîne, pour sa part, contre ces immigrés et leur pays, le Maroc, qu'elle qualifie “d'ennemi naturel“. L'immigration est la grande muette de la campagne électorale en Espagne. Alors qu'elle est souvent placée au cœur du débat d'idées en France, les partis espagnols abandonnent le sujet à l'extrême droite. Les deux principaux partis du pays, le parti populaire (PP) et le parti socialiste (PSOE), ont quasiment occulté le thème de l'immigration de leur campagne. Un parti émergent l'a, en revanche, exploité à outrance. La formation Démocratie Nationale, qui se présente pour la première fois aux législatives, a fondé sa campagne sur le thème de l'immigration. “Immigration, stoppons l'invasion!”, clament les affiches de cette formation d'extrême droite. L'immigration a une identité pour ce parti : le Maroc. “L'immigration marocaine est le problème principal. Le Maroc a toujours été un ennemi naturel de l'Espagne. Le Maroc est notre principal ennemi”, crie Juan Jesus Barranco, tête de liste de Démocratie Nationale pour les élections du 14 mars. C'est très clair ! Une formation politique vend ainsi la haine des Marocains pour séduire des électeurs espagnols. Le discours de cette formation ne restera sans doute pas lettre morte. Et pour cause, lorsqu'on les interroge dans les sondages, les Espagnols citent l'immigration parmi les cinq sujets qui les préoccupent le plus. En dépit de cette préoccupation, les grands partis sont silencieux sur le sujet. “Ils n'ont rien à proposer”, déplore, dans une déclaration à l'agence Reuters, Hannafi Hamza de l'organisation d'immigrés marocains Atime. Il ajoute une phrase lourde de sens “s'ils offrent quoi que ce soit aux immigrés, ils perdront des voix”. Le silence des partis est d'autant incompréhensible qu'une tragique flambée de violences racistes a visé, il y a quatre ans, des travailleurs marocains employés clandestinement à El Ejido dans le sud de l'Espagne. Cette chasse au maure avait soulevé un mouvement d'indignation parmi les ONG espagnoles et dans nombre de pays européens. Les Marocains d'El Ejido, qui travaillent principalement dans l'agriculture, ne sont que la face visible du grand nombre de clandestins qui vivent en Espagne. Selon la centrale syndicale UGT, entre 500.000 et 800.000 clandestins vivent en Espagne. Et selon les chiffres officiels, la population du pays a augmenté en 2002 de 879.000 individus, dont 695.000 étaient des immigrés. L'économie espagnole profite de ces ouvriers bon marché et dociles. L'UGT affirme que l'économie parallèle représente 20 % du PIB espagnol. Depuis 2000, le gouvernement d'Aznar a fait voter, trois fois, des lois extrêmement restrictives quant à l'immigration et la naturalisation, mais n'a jamais engagé d'actions envers le travail informel. Ce qui fait protester certains contre le double discours du gouvernement espagnol : il profite de la manne économique de l'immigration clandestine, tout en menant la guerre aux immigrés. “Le discours officiel contre l'immigration clandestine coexiste avec une tolérance vis-à-vis du travail au noir et des patrons qui profitent des clandestins”, a récemment accusé l'UGT dans un communiqué. Ce double discours du gouvernement espagnol et l'impasse que font les principaux partis de ce pays sur l'immigration éclairent sur les préjugés très enracinés que nourrissent les Espagnols à l'égard des Marocains.