Hassan Tarek, membre du conseil national de l'USFP, dévoile les véritables mécanismes de la crise qui secoue son parti, en se faisant l'écho des attentes ittihadies du prochain congrès. ALM : Une vive polémique a divisé l'USFP sur la « nature » du prochain congrès. Quels sont les réels enjeux de cette polémique ? Hassan Tarek : Le congrès apporte un début de réponse à la crise que connaît l'USFP. Et cette crise est profonde, complexe et multidimensionnelle. Et c'est du choix de la nature du prochain congrès, - extraordinaire ou ordinaire -, que dépend la solution à apporter à cette crise. Si on opte pour un congrès «extraordinaire», cela revient à postuler que la crise que connaît le parti est uniquement une crise de leadership. Or, la crise qui affecte l'USFP est d'ordre politique, organisationnel et intellectuel. Et si on opte pour un congrès «ordinaire», cela veut dire que la crise est ordinaire et naturelle. Et que, par conséquent, l'USFP n'a su tirer les leçons du «choc» du 7 septembre et des effets collatéraux de la démission de Mohamed Elyazghi de son poste de premier secrétaire. D'où la nécessité de choisir une troisième voie. En toute logique, la conseil national a eu raison d'opter pour un congrès ordinaire avec des mesures préparatoires extraordinaires et exceptionnelles. La troisième voie se veut une formule de conciliation entre les deux précédentes options. Elle permet de limiter le nombre des congressistes. Nous avons convenu de fixer ce nombre à 1300 congressistes, ce qui veut dire que le prochain congrès ne verra pas la participation uniquement des responsables nationaux et régionaux mais sera ouvert à toutes les bases du parti, et du coup, devant la possibilité du renouveau et de la discussion des différents aspects de la crise que connaît l'USFP. Tous les membres du conseil national auront donc la possibilité de participer au prochain congrès. Pour le reste, deux tiers des congressistes seront retenus sur la base des résultats obtenus lors des scrutins de 2002 et de 2007. Ce qui permettra de faire l'économie des procédures complexes exigées par un congrès ordinaire, dont notamment l'opération du recensement des militants, la distribution des cartes, et bien d'autres procédures susceptibles de susciter des susceptibilités entre les militants des différentes régions. Par le choix de cette troisième voie, le Conseil national a donc opposé un double niet et à la proposition de M. Elyazghi favorable à un congrès extraordinaire et à celle du bureau politique partisan d'un congrès ordinaire. Qu'en pensez-vous ? Au départ, d'aucuns ont estimé que le parti connaissait une crise exceptionnelle et que, par conséquent, son traitement ne pouvait se faire que par la voie d'un congrès extraordinaire. Une autre proposition, présentée par le bureau politique, voyait la solution de cette crise à travers un congrès ordinaire, avec des conditions ordinaires et une procédure ordinaire. Les militants au sein du conseil national ont rejeté les deux formules, en considérant qu'elles n'apportent pas de réelles réponses ni à la crise profonde du parti ni aux attentes des bases de l'USFP, en dépit de leur conscience du caractère exceptionnel de cette crise. Bref, le conseil a tranché cette polémique en optant pour un congrès qui soit hautement politique et couronne une phase de débat politique au sein du parti et à l'intérieur de la société avec les différentes composantes de la gauche et les militants ittihadis ayant quitté l'USFP. Qu'attendez-vous du prochain congrès? J'espère que ce congrès sera l'occasion de répondre à deux attentes principales. La première attente consiste à la mise en place d'une nouvelle ligne politique pour l'USFP. Dans son rapport d'évaluation des 11 et 12 janvier 2008, présenté lors de la 9ème session du Conseil national, le parti a reconnu l'existence d'une régression quant à l'acquis de la méthodologie démocratique en rapport avec la formation du gouvernement Abbas El Fassi. Ce même rapport a également reconnu que la participation au gouvernement Driss Jettou était une erreur. Pratiquement, et à la lumière de ce rapport, la nécessité se fait jour de reconsidérer la ligne politique du parti qui doit s'articuler autour de trois revendications. Premièrement, la réforme institutionnelle et politique, sachant bien que la formule institutionnelle actuelle a montré ses limites, en ce qui concerne aussi bien le rôle des institutions gouvernementales que celle du Premier ministre. Deuxièmement, la réappropriation de la question sociale. Et, sur ce point, l'USFP est appelée à se réapproprier le discours social et interagir avec les mouvements sociaux qu'a révélés la société marocaine. Troisièmement, la question des alliances politiques de l'USFP. Le parti est appelé à s'ouvrir à gauche et lancer une initiative unioniste à l'adresse de toute la gauche marocaine. Au-delà du volet politique, l'USFP est appelée à adopter un modèle organisationnel basé sur la démocratie, l'institutionnalisation du pluralisme, la légalisation du principe de ne pas dépasser deux mandats en ce qui concerne le leadership, le non cumul des responsabilités que ce soit au sein du parti ou à son extérieur, tout en s'acheminant vers la mise en place d'un parti fédéral donnant des prérogatives élargies aux régions, sans oublier évidemment l'exigence de procéder à un rajeunissement au niveau aussi bien des responsabilités que des structures de la base.