De crise en crise, Nicolas Sarkozy s'est lancé, depuis son entrée à l'Elysée, dans une course pour la libération d'otages. Il vient de réussir l'étape tchadienne. Il y a du remake dans l'air. A quelques semaines d'intervalle, entre l'image d'une Cécilia Sarkozy tout de blanc vêtue, ruminant en silence déjà le scénario de son divorce, débarquant de Tripoli, les infirmières bulgares et le médecin palestinien comme prestigieuses et précieux bagages et celle de Nicolas Sarkozy extirpant, sur un obscur tarmac tchadien, les trois journalistes français et les hôtesses de l'Air espagnoles qui avaient pris part à la mésaventure de «L'Arche de Zoé», il y a des flagrants points communs dans la mise en scène et la réalisation. Une séquence de pure communication politique. L'Elysée va finir par se transformer en cellule de libération d'otages et autres repris de justice. La presse française ne s'est pas trompée sur l'originalité du moment. Le journal «Libération», ironique, titre «Bienvenue sur air Sarko». Tandis que le Figaro ravale à peine son humour avec ce titre «Le coup d'éclat humanitaire de Nicolas Sarkozy». Nicolas Sarkozy avait donc lancé son raid libérateur sur N'Djamena pour sortir les journalistes et les hôtesses des griffes de la justice tchadienne. Sa démarche n'a fait que mettre davantage de lumière sur les autres Français restés au Tchad. Pour expliquer les étapes à venir, Nicolas Sarkozy a dû baragouiner une déclaration dont la compréhension est ouverte à toutes les hypothèses : «La justice tchadienne va discuter avec la justice française pour voir comment trouver le plus rapidement possible, en terme de semaines, une issue qui respecte la justice tchadienne et qui donne toutes les garanties à l'ensemble des acteurs (…) Les accords de 1976 permettent soit que ces six personnes soient jugées au Tchad, soit qu'elles soient jugées en France. C'est à la justice de nos deux pays d'en décider». La classe politique française a profité de la sortie de Nicolas Sarkozy pour le rappeler à ses véritables obligations de président de la république. Exemple de l'ancien ministre socialiste de la Justice Elisabeth Guigou qui estime «qu'il ne faut pas non plus que ce type d'opération, évidemment très spectaculaire, masque tout le reste (…) J'aimerais bien que le président Sarkozy mette la même énergie et obtienne les mêmes résultats sur la question du pouvoir d'achat que sur la libération de ces journalistes, que je salue». Les socialistes semblent avoir repris de la vigueur dans leurs critiques de la démarche d'ensemble de Nicolas Sarkozy. Le député socialiste Jean-Louis Bianco, proche de Ségolène Royal, en est la parfaite illustration : «On ne peut pas diriger un Etat en se prenant pour Zorro (…) Nicolas Sarkozy ne résiste pas à sa tentation permanente de mettre en scène son action comme s'il était le seul à agir». Mais c'est à Marine Le Pen, vice-présidente du Front national, que revient la palme d'or de la critique la plus violente de la posture de Nicolas Sarkozy : «On savait qu'ils allaient être libérés (...). Je pense qu'il y est allé parce qu'il est dans la politique-spectacle. Chaque élément est un moyen pour lui de se faire de la publicité, un écran de fumée en quelque sorte, qui permet de faire oublier aux Français qu'il n'a rien fait depuis six mois qu'il est élu président de la république». Même les proches de l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin n'ont pas raté cette bronca et y sont allés de leur diagnostic ravageur comme le député UMP François Goulard : «Il y a une espèce de déconnexion entre l'image qui est appréciée et l'efficacité qui est jugée assez moyenne (…) La rupture n'est pas faite. Il y a une rupture de style, c'est incontestable, mais pas de rupture de fond». En montant en première ligne, Nicolas Sarkozy s'expose dangereusement. On l'a souvent présenté comme un amateur du risque qui, par son énergie naturelle , secoue le cocotier des pesanteurs. On le retrouve seul aux commandes de l'action gouvernementale qu'il s'agisse de gérer au quotidien les multiples crises sociales ou la formulation et la mise en exécution de la politique étrangère. Deux hommes souffrent en silence de son omniprésence : le Premier ministre François Fillon qui a physiquement disparu de la scène politique française et Bernard Kouchner qui se voit à peine confier le service après-vente.