Les détracteurs de Nicolas Sarkozy ont exploité à fond ce flottement de l'exécutif sur la crise guadeloupéenne. Même si Nicolas Sarkozy a reçu solennellement les élus de l'Outre-mer à l'Elysée, même s'il s'était adressé avec la gravité des circonstances à ses départements français lointains par le biais de RFO pour leur promettre une thérapie destinée à faire baisser la tension sociale, il règne comme un parfum de gigantesque ratage pour un président de la République connu pourtant pour son flair des bons coups et sa capacité à se saisir de tous les instants dramatiques pour les transformer en vecteurs de communication à sa gloire. Nicolas Sarkozy aurait-il perdu la main, au point de laisser pourrir une situation qui allait au minimum jeter un voile sombre sur le plan de relance du pouvoir d'achat qu'il s'apprêtait à proposer aux partenaires sociaux ? Il a fallu que cette crise revendicative dégénère en affrontement sanglant avec la mort d'un syndicaliste et la paralysie totale pendant quatre longues semaines de toute une région pour que Nicolas Sarkozy prenne conscience de son ampleur, sortir de son silence et tenter de répondre à «l'angoisse, l'inquiétude et une certaine forme de désespérance de nos compatriotes» de l'Outre-mer. Le temps viendra certainement pour évaluer les raisons de ce retard à l'allumage. Etait-ce le fruit d'une mauvaise analyse de la situation des conseillers chargés de humer l'air du temps et dont une myopie technocratique a empêché de voir la réalité des choses ? Etait-ce une volonté politique qui s'est avérée maladroite de la part de Nicolas Sarkozy, de hiérarchiser les urgences entre des DOM-TOM, somme toute à la valeur politique relative et les crises de l'Hexagone qui menacent de gripper l'ensemble de la machine ? Les détracteurs de Nicolas Sarkozy ont exploité à fond ce flottement de l'exécutif sur la crise guadeloupéenne. Après avoir confié la patate encore tiède à Yves Jégo, le secrétaire d'Etat aux allures de débutant à l'Outre-mer, refilé la braise brûlante à François Fillon tout heureux d'être enfin en premier plan de la photo, Nicolas Sarkozy a fini par récupérer ce dossier après un cumul de dégâts sans précédent. L'opposition cible donc la responsabilité de Nicolas Sarkozy dans le pourrissement de cette situation. Martine Aubry, la première secrétaire du PS, dénonce «l'absence» et «l'ambigüité» de l'Etat dans ce cette affaire : «Je veux simplement dire au président de la République: s'il s'était passé quelque chose en métropole, vous n'auriez pas laissé quatre semaines avant de réagir». Ségolène Royal enfonce le fer de l'accusation encore plus profondément : «Ce qui se dit en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à La Réunion, c'est qu'aucun territoire métropolitain n'aurait été traité de cette façon, aucun territoire n'aurait été laissé à l'abandon (…) C'est à se demander si cette stratégie de pourrissement et d'abandon est volontaire de la part du pouvoir». Avant de faire ce terrible constat : «Le sang vient de couler en Guadeloupe et on sait que c'est le résultat de l'inertie et du manque de considération de l'Etat pour l'Outre-mer». Ces attaques ont mis sens dessus-dessous les emblèmes de la majorité présidentielle. Un qui a vite saisi la gravité des critiques est le nouveau patron de l'UMP, Xavier Bertrand, qui s'empresse de dégonfler la bulle : «Ceux qui comparent la Guadeloupe à d'autres régions françaises ne sont pas responsables (…) Il faut retourner à l'ordre républicain le plus rapidement possible, il faut de la sérénité, on en a besoin». N'empêche que même au sein de l'UMP, le diagnostic de la situation n'est pas tendre avec l'exécutif comme l'explique le député UMP du Nord, Christian Vanneste : «Depuis le début de la crise insulaire, l'État multiplie les déclarations contradictoires, passe de la proposition démagogique au coup-de-menton». Sur de nombreuses crises, Nicolas Sarkozy a montré une vivacité de réaction et un sens de l'opportunisme assez aigu qui force l'admiration pour son énergie et son entêtement. La crise en Guadeloupe a démystifié cette posture par la nonchalance voulue ou subite de l'Elysée. Hélas pour Nicolas Sarkozy, c'est le genre d'attitude politique qui se paie cash dans des sondages déjà maussades.