Sur les braises de la contestation sociale de l'Ile encore fumante, Ségolène Royal lance défi et avertissement au gouvernement Sarkozy. Il y a assurément un côté Sarkozy chez Ségolène Royal. Alors que le président de la République, par négligence, mauvais conseil ou relâchement, semble totalement avoir raté l'affaire guadeloupéenne, l'ancienne candidate socialiste à la présidentielle a choisi de surfer sur la vague de la contestation sociale aux Antilles pour se refaire une petite santé. Sa participation aux obsèques du syndicaliste Jacques Bino tué par balle sur un barrage et ses déclarations enflammées contre Nicolas Sarkozy et François Fillon depuis Pointe-à-Pitre, ont fini par donner à ce déplacement une lourde tonalité politicienne. Sur les braises de la contestation sociale de l'Ile encore fumante, Ségolène Royal lance défi et avertissement au gouvernement avec des mots et des références qui fleurent bon la harangue des temps anciens : «Si M. Jégo (secrétaire d'Etat à l'Outre-mer est déconsidéré, peut-être que M. Fillon peut venir. Les Guadeloupéens apprécieraient sa présence pour les négociations (…) Dans certaines familles, on n'arrive même plus à manger. Quand des parents n'arrivent plus à donner à manger à leurs enfants, en général ça va mal finir. Souvenons-nous de la révolution française». Ségolène Royal s'en est violement prise au gouvernement qui joue, selon elle «la stratégie du pourrissement» et a critiqué «les gros patrons qui se se sont enrichi pendant des années sur les système colonial». En excellente opportuniste du moment, Ségolène Royal avait choisi d'appuyer là où cela fait le plus mal pour le moment. Avec une seule action, elle fait un coup double efficace. D'un côté, elle se place parmi les intraitables détracteurs de l'amateurisme du gouvernement dans la gestion de cette crise, de l'autre, elle donne un coup de vieux à la hiérarchie officielle du PS qui par timidité ou par calcul, a choisi la mesure des propos et des démarches. Dans ce tourbillon qui l'a opposée à la majorité présidentielle, Ségolène Royal a reçu un soutien inattendu de la part de son ancien compagnon et ex-premier secrétaire du PS François Hollande qui a dénoncé l'absence du gouvernement à ces obsèques extrêmement symboliques : «Il y aurait eu la mort d'un syndicaliste en métropole, vous pensez qu'il y aurait eu l'absence totale de tout représentant du gouvernement? Je mets en cause là une indifférence et c'est cette indifférence qui est regardée comme un mépris». Ce à quoi répond avec une sorte de mollesse désabusée Yves Jégo le secrétaire d'Etat à l'Outre-mer «Il y a une tentative de récupération, de politisation (…) c'est trop facile de venir dire : «c'est la faute au gouvernement, c'est la faute au président de la République (…) Le PS joue la mouche de coche, essaie de jeter de l'huile sur le feu». La sortie de Ségolène Royal en Guadeloupe, presque dans le même wagon qu'Olivier Besancenot, le tout jeune patron de l'extrême gauche et José Bové, l'insubmersible icône française de l'altermondialisme, a suscité de violentes réactions qui en disent long sur le courroux de Nicolas Sarkozy. Le délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'Outre-mer Patrick Karam n'a pas de mots assez durs pour stigmatiser la démarche de Ségolène Royal : «Ségolène Royal cherche à se faire de la publicité à tout prix sur le dos des Guadeloupéens en multipliant les déclarations irresponsables et en prenant le risque d'une déflagration». Tandis que l'UMP dénonce ce qu'il appelle la récupération politique : «Au moment (...) où il convient de s'incliner devant la peine de la famille, cette visite démontre à quel point prime la récupération politicienne sur le sens de la retenue qui s'impose en pareilles circonstances». Même le Medef, le syndicat des patrons français, s'est mêlé à cette curie contre Ségolène Royal : «Dans la situation actuelle, Mme Royal est très très mal placée pour venir mettre de l'huile sur le feu, aujourd'hui on a besoin de sérénité dans ce pays et non pas de politiciens arrivistes, qui viennent nous donner des leçons». Dans ce que certains ont appelé cyniquement «le tourisme électoral» de Ségolène Royal, cette dernière vient de montrer encore une fois sa capacité à exister en dehors de l'appareil socialiste qui se trouve aux mains de son éternelle rivale Martine Aubry et, qui concurrence oblige, chercher tous les moyens pour l'étouffer et la faire disparaitre du radar de l'actualité.