En radicalisant ses critiques contre Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal joue une partie extrêmement serrée au sein de sa propre famille politique. Le PS s'apprête à faire sa grande mue en novembre prochain. A voir les attaques aigres et violentes que Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal s'échangent de temps à autre, l'observateur est tenté de croire que le débat politique français n'a toujours pas quitté les arènes de l'affrontement présidentiel. Entre ces deux personnalités, la braise de la discorde fume toujours. La magie de l'ouverture politique et de la tolérance démocratique ne semble décidément pas exercer son alchimie réparatrice sur ce couple. Dernière charge de Nicolas Sarkozy en date, celle qu'il aurait proférée devant des députés UMP à propos de l'ancienne candidate des socialistes aux présidentielles : «Ségolène Royal est vraiment de trop ! Si elle n'existait pas, il faudrait l'inventer». Cette pique ironique vient à la suite d'un long feuilleton crapuleux aux allures politiques que résume à sa manière Ségolène Royal : «Le lendemain où j'ai dit qu'il fallait mettre fin à la mainmise du clan Sarkozy sur la France, mon domicile a été mis à sac (...) Je fais un rapport entre les deux. C'est une drôle de coïncidence». La majorité est tombée à bras raccourci sur Ségolène Royal pour l'enduire de tous les maux. Frédérique Lefebvre, une des porte-parole de l'UMP, l'accuse d'avoir «dépassé les bornes» et se demande si elle n'a pas «pété un câble» en lui conseillant «un soutien psychologique». Il est vrai que les critiques des ses adversaires ont été d'avantage amplifiées par la timidité de la défense de ses amis socialistes. Face à ce bras de fer violent entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, les caciques socialistes avaient observé un silence gêné. Pire un journal comme «Libération» proche de la gauche semble avoir lâché les amarres en consacrant une «Une» collector à Ségolène Royal sous ce titre moqueur «La gafitude» en référence à la « Bravitude», concept qu'elle avait forgé en pleine campagne présidentielle sur l'imposante grande muraille de Chine. Ségolène Royal semble se faire sa propre raison à cet acharnement et à ce lâchage. Son explication est dans le droit fil de sa propre pensée et son propre style : «Quand on dénonce des vérités qui dérangent, ceux qui portent ces paroles de vérité sont traités de dérangés et c'est ce qui est en train de se passer». En radicalisant ses critiques contre Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal joue une partie extrêmement serrée au sein de sa propre famille politique. Le Parti socialiste s'apprête à faire sa grande mue en novembre prochain en désignant le successeur de François Hollande. Les derniers sondages, notamment une étude de l'IFOP pour Paris-Match, montrent que les sympathisants socialistes mettent Ségolène Royal en situation stable entre le maire de Paris Bertrand Delanoë qui a tous leurs faveurs et Martine Aubry qui suscite leurs espoirs. Si la démarche de Ségolène Royal est expurgée de ses maladresses de communication et d'expressions qui font pouffer d'ironie les amis et les adversaires, elle laisse apparaître une volonté manifeste de la part de l'ancienne candidate à la présidentielle d'occuper la prestigieuse et enviable fonction de première opposante à Nicolas Sarkozy. Cette fonction, dans son ensemble, est en train d'échapper à l'appareil socialiste au profit du benjamin de la politique française, Olivier Besancenot qui vient de lancer le parti anti-capitaliste pour fédérer la galaxie de l'extrême gauche. Dans sa stratégie, Ségolène Royal ne se contente pas de lancer des charges virulentes. Elle fait aussi des proposition inédites qui, à défaut d'être applicables immédiatement, frappent les imaginations comme la redistribution des profits des grands pétroliers pour lutter contre les effets de la hausse des carburants et ses conséquences sur le pouvoir d'achat : «Il suffirait de reprendre la moitié des superprofits de Total pour les transformer en chèques de 300 euros, donnés aux familles et aux retraités, afin qu'ils puissent remplir leurs cuves pour cet hiver». Ce genre de proposition vise clairement à mettre en difficulté le gouvernement de François Fillon et les choix de Nicolas Sarkozy, à un moment où les colères de différentes catégories sociales se cristallisent sur l'incapacité du gouvernement à endiguer la baisse inéluctable de leur pouvoir d'achat.