Les échanges d'amabilités entre Ségolène Royal et Vincent Peillon semblent avoir réussi à créer un bonheur unanime à gauche comme à droite. Pour qu'on verse un peu dans le paranormal ou dans les complots surnaturels, la tentation est grande de croire que Nicolas Sarkozy est capable d'envouter à distance ses adversaires ou du moins de leur jeter des sorts qui configurent leurs comportements. La preuve la plus éclatante est qu'au moment même où le président de la République était en train de creuser l'insondable tunnel de son impopularité qui l'écarterait définitivement d'une possible reconduction de bail à l'Elysée et alors que les Français, tels des tournesols attirés par tout ce qui brille, dévient leurs regards vers l'opposition pour y déceler l'alternative qui s'y prépare, voilà que les socialistes donnent le triste spectacle de leurs divisions et de leurs violents règlements de comptes entre amis. Héroïne de cette séquence, Ségolène Royal qui tente de reprendre de force le contrôle de son courant que son ancien bras droit Vincent Peillon tentait sournoisement de lui subtiliser. Si la démarche est politiquement saine, dans la mesure où une personnalité aux ambitions dévorantes comme Ségolène Royal, ne peut continuer à exister qu'en s'appuyant sur une chapelle solide, la bruyante méthode employée pour évincer son concurrent, semble provoquer d'irréparables dégâts. Ségolène Royal semble avoir préféré le clash à la discrétion. Même si elle avance son droit naturel à être présente dans une réunion politique organisée par son courant, argument qu'elle développe à longueur d'ondes, elle semble avoir laissé beaucoup de plumes dans cet affrontement public avec Vincent Peillon. Ce dernier avait prononcé à son encontre l'oracle qui tue : «Elle n'est pas qualifiée pour faire gagner les socialistes en 2012». Et suprême insulte, Vincent Peillon accuse l'attitude de Ségolène Royal d'être «un mauvais coup porté au Parti socialiste, mauvais coup porté à la gauche, cadeau fait à la droite». Les échanges d'amabilités entre Ségolène Royal et son ancien bras droit Vincent Peillon semblent avoir réussi à créer un bonheur unanime à gauche comme à droite. Malgré les indignations surjouées de certains éléphants du PS, les socialistes de la rue de Solferino sont assez contents de voir qu'un courant Royal/Peillon, qui avait bâti son existence et sa fortune sur la remise en cause permanente de la légitimité de la direction actuelle du PS, explose en plein vol. Cela dégagera la voie à d'autres appétits et à d'autres ambitions. Un fait à mettre en perspective dans la mesure où le Parti socialiste doit préparer des primaires pour choisir son candidat à la prochaine présidentielle. En donnant cet étrange impression d'une chatte affolée qui, la rage au ventre, mange ses petits, Ségolène Royal pose elle-même à l'opinion l'interrogation sur ses réelles qualités de meneuse de la gauche vers la victoire. A droite, l'UMP, la majorité présidentielle, Nicolas Sarkozy, l'épisode Peillon/ Royal est une bénédiction du ciel. Ils font tous ce constat: la guerre ouverte des courants rendra difficile, sinon impossible, une sécrétion à gauche d'un leadership ayant l'ossature suffisamment solide et le charisme suffisamment prenant pour battre Nicolas Sarkozy en 2012. Les communicateurs de l'Elysée savent que l'hypothèse Dominique Strauss-Kahn les renseigne davantage sur le vide à domicile que sur le recours miraculeux qu'incarnerait l'actuel directeur général du FMI. Cet épisode souligne la grande solitude dans laquelle Ségolène Royal est tombée. Et comme elle n'est pas de tempérament à laisser tomber une bataille, particulièrement celle où son ego est ouvertement contesté, cela promet d'autres clashs et d'autres psychodrames dont le bénéfice politique tombera inévitablement dans l'escarcelle de Nicolas Sarkozy.