En mettant la télévision publique dans sa ligne de mire, Vincent Peillon naviguait à contre-courant de deux faits politiques caractéristiques de ce monde. D'un premier coup d'œil, l'affaire ne devrait pas survivre longtemps. Il s'agissait au plus d'un coup de sang passager d'un dirigeant politique, Vincent Peillon, contre les choix éditoriaux d'une chaîne de télévision publique, France 2. L'actualité ne devait retenir de ce clash qu'une volonté soudaine de marquer les esprits. Puis comme de nombreuses mauvaises humeurs, elle tombera dans l'oubli, écrasée par d'autres. Sauf que celle-là, particulièrement, semble avoir la vie dure au point de se transformer en grand débat politique entre les rapports du pouvoir et de la télévision. Avec une frénésie de réflexion et d'analyse diablement régénérée. L'homme qui avait enclenché ce maelstrom sur la télévision publique est une des valeurs les plus prometteuses de la galaxie socialiste. Longtemps compagnon de route de Ségolène Royal, grande icône socialiste à l'ombre de laquelle il avait fait ses dents et ses classes, Vincent Peillon avait fait acte d'indépendance en divorçant bruyamment avec la présidente du conseil régional du Poitou-Charentes. Objet de la mésentente : Qui incarnera le courant «Espoir à gauche» au sein du PS ? Depuis cette grande polémique qui avait fait jaser de plaisir à gauche comme à droite, Vincent Peillon semblait condamné à une sorte d'anonymat. Sur quelle thématique allait-il rebondir pour enrichir sa toute nouvelle popularité que lui avait fournie son bras de fer avec Ségolène Royal? Après avoir directement visé le débat sur l'identité nationale, voilà que son tir ricoche sur la télévision publique et ses liens supposés «serviles» avec le président et le gouvernement. Depuis son rendez-vous volontairement raté avec Arlette Chabot, Eric Besson et Marine Le Pen dans l'émission «A vous de juger», Vincent Peillon semble avoir trouvé son cheval de bataille : la télé publique et sa soumission aveugle à l'agenda politique du gouvernement. La violence de l'attaque est si persistante qu'elle a provoqué deux réactions originales assez significatives de la mauvaise humeur ambiante. La première est celle du porte-parole du PS Benoit Hamon qui rappelle à son collègue Peillon non sans un zeste de dépit: «Nous ne sommes pas dans l'opposition à France 2, nous sommes dans l'opposition à l'UMP et au pouvoir». La seconde est celle du ministre de la Culture et de la Communication pour qui Vincent Peillon «sort du jeu politique» pour rentrer dans «le marketing politique». En mettant la télévision publique dans sa ligne de mire, Vincent Peillon naviguait à contre-courant de deux faits politiques caractéristiques de ce monde. Le premier est que la direction de France Télévision était déjà mise sur la sellette par la présidence de la République. Pour mémoire, à rappeler les différents formes d'incompatibilités d'humeur entre Nicolas Sarkozy et Patrick de Carolis, le patron de France Télévision, nommé à ce poste par l'ancien président de la République, Jacques Chirac. A rappeler aussi le mémorable savon new-yorkais passé par Nicolas Sarkozy à Arlette Chabot. Le second fait vient de la manière avec laquelle Nicolas Sarkozy utilise la télé privée et qui dans sa docilité, transforme la télé publique en havre d'indépendance et d'impertinence.