Le retour de Royal sur l'actualité ne s'est pas fait uniquement sur une engueulade publique avec Peillon. Il s'est fait aussi sur un défi direct lancé au gouvernement. S'il y a une femme en France qui devait souffrir en silence de voir s'éteindre son étoile alors que l'équation politique du moment devait la faire briller, c'est bien Ségolène Royal, l'ex-challenger de Nicolas Sarkozy aux présidentielles. Depuis qu'elle s'est imposée à elle-même la lourde tâche d'incarner la revanche de la gauche, elle ne cesse de subir des érosions. De favorite des cœurs et des sondages, elle est devenue ces derniers temps l'infréquentable Ségolène. Les amis d'hier qui portaient haut en couleurs la vague d'enthousiasme et de renouvellement se sont dispersés dans la nature. Entre ceux qui avaient rejoint la Sarkozy triomphante et ceux qui se sont recroquevillés sur la légalité du parti, il ne restait pas grand monde. A un moment donné, Ségolène Royal avait rêvé de faire de son association «Désirs d'avenir» le véritable creuset pour fédérer les dynamismes et préparer l'alternative. Rêve qui a vite montré ses limites tant les douloureuses restructurations qu'il suppose étaient infranchissables pour beaucoup. L'isolement de Ségolène Royal est à l'origine du clash public qu'elle vient d'avoir d'un des ses plus proches soutiens. Vincent Peillon qui dirige le courant qui portait jadis les couleurs royalistes «Espoir à gauche». Il y a eu un échange viril entre ses deux anciens alliés qui en dit long sur la volonté de Ségolène Royal de reprendre en main son courant. Quand Ségolène Royal avait annoncé son intention de se joindre à la réunion de Dijon initiée par Vincent Peillon qui prolongeait le dialogue initié à Marseille entre une partie non négligeable des socialistes et le Modem de François Bayrou, le sang de l'ancien bras droit de Ségolène Royal n'a fait qu'un tour. Il l'accuse de vouloir délibérément se livrer à des coups médiatiques. Ce à quoi Ségolène Royal avait répondu : «Je ne comprends pas que Vincent Peillon auquel j'ai accordé toute ma confiance et une place éminente dans l'organisation de ce mouvement puisse aujourd'hui déraper verbalement». Et d'annoncer le titre principal de sa démarche ! «J'ai envie de reprendre pied dans mon courant, dans mon mouvement. Je veux qu'il reste fidèle à ce pourquoi il a été créé, qu'il ne soit pas instrumentalisé». L'ancienne première dame socialiste veut directement reprendre son héritage. D'autant que le chemin que la gauche poursuit aujourd'hui dans son dialogue stratégique avec le centre, elle en est la première initiatrice lors du fameux rendez-vous manqué avec François Bayrou entre les deux tours de la présidentielle. Ségolène Royal a fait ce diagnostic politique que propagent de nombreux commentateurs. Pour la première fois, l'actuel président Nicolas Sarkozy a montré quelques signes de faiblesse au point de perdre le solide mythe de son invincibilité. Il est redevenu «battable» pour la gauche. Et alors que les regards devaient se tourner machinalement vers celle qui, au soir de la dernière présidentielle, lui a lancé le défi de le battre lors de la prochaine bataille, les sondages ont laissé transparaître une autre réalité. Et c'est Dominique Strauss-Kahn, actuel directeur général du FMI qui apparaît aux yeux de beaucoup comme l'homme apte à incarner cette alternative. L'apparition de DSK dans le radar est une raison supplémentaire pour Ségolène Royal de vouloir remobiliser ses troupes et de continuer à croire à sa bonne étoile. DSK n'est-il pas cet éléphant socialiste qu'elle avait platement battu avec Laurent Fabius lors des primaires du PS ? Le grand retour de Ségolène Royal sur le fronton de l'actualité ne s'est pas fait uniquement sur une engueulade publique avec son ancien bras droit Vincent Peillon. Il s'est fait aussi sur un défi direct lancé au gouvernement en décidant dans sa région du Poitou de distribuer des «chèques-conception» qui la met au centre d'une nouvelle polémique qui fissure le gouvernement. Avec cette proposition, Ségolène Royal sait où mettre la barre de sa proposition.