Nicolas Sarkozy a dû dépêcher Yves Jégo qui avoue que rien ne le destinait à s'occuper de l'outre-mer, étant féru de nouvelles technologies et des questions d'intégration et d'aménagement du territoire. Si on avait dit, en mars 2008, à Yves Jégo, un obscur député UMP mais néanmoins proche de Nicolas Sarkozy depuis la genèse de l'aventure présidentielle, un apparatchik madré de la majorité présidentielle au verbe facile, qu'il serait aujourd'hui dans l'œil du cyclone antillais à subir avec autant de violence les effets de la crise, il aurait certainement réfléchi deux fois avant d'accepter le poste de secrétaire d'Etat à l'outre-mer, succédant ainsi à Christian Estrosi, actuel maire de Nice. Cliché persistant oblige, ce ministère a toujours évoqué, cocotiers lumineux, sables fins et lagons bleu azur à l'appui, l'image d'une langoureuse farniente politique plutôt que le dur labeur de l'affrontement. Les hommes qui cèdent à ces sirènes de volupté météorologique relâchent naturellement la pression et sont sans doute moins aptes à saisir, avec la vigilance indispensable, l'acuité du moment. Etait-ce donc cette raison particulière qui était à l'origine du retard à l'allumage du secrétaire d'Etat à l'outre-mer et sa décision de ne partir sur place qu'après d'interminables semaines de grèves générales qui ont paralysé l'économie de la Guadeloupe et menacé de faire tache d'huile sur l'ensemble des Iles ? Quand Yves Jégo arrive sur ce terrain de crise, la tension était déjà à son comble. Des dizaines de pneus de colère ont déjà brûlé et presque 100 millions d'euros du PIB déjà partis en fumée. Et là où il fallait un grand professionnel de la négociation sociale qui recoud avec tact les fils interrompus du dialogue social, Nicolas Sarkozy a dû dépêcher un homme qui avoue que rien ne le destinait à s'occuper de l'outre-mer, étant féru de nouvelles technologies et des questions d'intégration et d'aménagement du territoire. D'où cette cuisante impression d'un Tintin au pays de la colère antillaise que traînait Yves Jégo derrière lui pendant tout son séjour en Guadeloupe, avec des va-et-vient scénarisés et des déclarations et des promesses à l'emporte-pièce comme celle que lui attribuent ses partenaires guadeloupéens sur la hausse des salaires, ce qui lui a valu un désaveu de François Fillon et une sourde colère de Nicolas Sarkozy. Obligé de rectifier ce qui ressemble grossièrement à une bourde, Yves Jégo ne rate aucun micro pour affirmer une telle dénégation : «Je n'ai jamais fait de promesses sur les salaires et je défie quiconque de trouver un écrit ou un enregistrement qui prouverait le contraire». Cette gymnastique a poussé de nombreux observateurs à s'interroger sur la réalité du soutien de l'Elysée et de Matignon à Yves Jégo et qui viennent de lui adjoindre deux médiateurs pour encadrer son action et minimiser ses défaillances. Yves Jégo se défend de cette manière : «Il n'y a pas de problème de ce côté-là. Je sais bien que chacun cherche à regarder si jamais le ministre n'est pas déstabilisé, s'il n'y a pas des querelles de stratégie au sein du gouvernement, ce n'est pas ça la réalité». Il faut dire que l'opposition socialiste avait appuyé là où cela faisait le plus mal. Après avoir dénoncé que le président de la République n'ait pas dit un mot de la crise en Guadeloupe lors de sa dernière intervention télévisée «Face à la crise» et d'avoir préféré se rendre à Bagdad plutôt qu'à Ford de France, l'opposition continue de reprocher au gouvernement sa mauvaise gestion de cette crise. Elle vient par ailleurs de décider d'envoyer des délégation en Martinique, en Guadeloupe et à la Réunion. Harlem Désir, en charge de la coordination au PS parle de Yves Jégo en ces termes: «Nous voyons un ministre en quelque sorte désavoué, flanqué de deux médiateurs, Yves Jégo, comme beaucoup d'autres membres du gouvernement d'ailleurs (donnent) le sentiment qu'ils sont sans boussole, sans cap et sans véritable soutien à la tête de l'exécutif». Face à cette crise, Nicolas Sarkozy qui s'apprête à vivre une semaine sociale cruciale avec le sommet gouvernement/Syndicats du 18 février, a réagi en réalisant une vieille promesse de la campagne électorale de 2007 qui consiste à créer un conseil interministériel de l'outre-mer chargé de rénover la politique de l'Etat dans les DOM-TOM.