L'instauration d'un ministère de l'Immigration avec des connotations sur «l'identité nationale» avait déjà été un des rares sujets qui avaient provoqué les plus vives réactions au sein de l'opposition de gauche et des cercles universitaires. Alors que sa popularité commence à se fissurer, que des grincements de dents au sein de son équipe commencent à se faire entendre, une polémique sourde déclenchée par le projet de loi sur la maîtrise de l'immigration dont un amendement, voté en commission, autorise le recours aux tests ADN pour les candidats au regroupement familial, a de fortes chances de mettre fin à l'idylle que vit Nicolas Sarkozy avec l'opinion publique depuis son élection à la présidence de la république. L'instauration d'un ministère de l'Immigration avec des connotations sur «l'identité nationale» avait déjà été un des rares sujets qui avaient provoqué les plus vives réactions au sein de l'opposition de gauche et des cercles universitaires. Le recours au test ADN comme moyen de durcir les lois sur l'immigration, le sujet vedette de cette session parlementaire de ce mardi, risque de conforter tous ceux qui accusent Nicolas Sarkozy de caresser les extrêmes dans le sens du poil. Nicolas Sarkozy s'en défend avec sa vigueur habituelle «Il y a douze pays en Europe qui ont le test ADN sur la base du volontariat. Quel est le problème ?». La même argumentation est reprise par son ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, Brice Hortefeux, qui explique l'esprit d'une telle démarche : «L'objet de cet amendement est de permettre à un volontaire d'accélérer les procédures sous réserve qu'il accepte de se soumettre à ce test de paternité. J'observe que cette politique est courante dans onze pays de la Communauté européenne». Brice Hortefeux subit déjà pressions et remontrances de la part de Nicolas Sarkozy pour ne pas encore avoir atteint la cadence de vingt cinq mille reconduites à la frontière par an. Le recours au test ADN a été, sans surprise, approuvé par le leader de l'extrême droite Jean Marie le Pen : «Tous les moyens d'identification sont bons, mais en revanche, je conteste la politique générale d'immigration qui est un faux-semblant». Par contre , la fronde avait commencé déjà au sein de l'UMP, le parti de Nicolas Sarkozy, dont le député Etienne Pinte s'interroge publiquement : «C'est un amendement discriminatoire et à caractère raciste. Car pourquoi exiger des personnes étrangères ce qu'on ne demande pas à celles résidant en France ?» L'opposition socialiste n'a pas raté l'occasion de mettre au pilori des choix aussi contestables. Manuel Valls, député de l'Essonne, une des valeurs les plus prometteuses du Parti socialiste, s'oppose fermement à cet amendement «qui reviendrait à demander à d'autres pays ce qui est contraire au droit français (…) la filiation s'établit sur la reconnaissance de l'enfant et non sur la biologie. Ce texte risque de poser des problèmes juridiques, peut-être constitutionnels». Pour Nicolas Sarkozy, les attaques et les prises de position les plus dangereuses et qui portent à conséquences proviennent des membres de sa propre équipe gouvernementale, notamment ceux issus de sa fameuse politique d'ouverture. Fadela Amara, secrétaire d'Etat à la Politique de la ville, une des trophées ethniques de Nicolas Sarkozy, formule une opposition ouverte à ce projet d'amendement sur l'ADN : «ça me heurte en tant que fille d'immigrés, parce que ça jette l'opprobre sur les étrangers qui veulent venir chez nous, comme s'ils souhaitaient détourner quelque chose (…) Si ceux qui veulent venir chez nous remplissent les conditions, ils peuvent venir. Je ne pense pas qu'il faille rajouter un test ADN». Fadela Amara avait reçu de bruyantes félicitations de la part de Nicolas Sarkozy pour avoir intitulé son plan sur les banlieues «Tolérance zéro pour la glandouille». Même Bernard Kouchner que Nicolas Sarkozy avait «emprunté» au Parti socialiste pour le nommer ministre des Affaires étrangères, ne parvient pas à cacher son malaise à l'égard du recours à l'ADN : «cela ne me plaît pas, mais ne m'indigne pas», avait dit dans une vraie tonalité de centriste reconverti. «Le jour où je m'indignerai vraiment, je partirai» avant de concéder : «Je pense que ce n'est pas comme cela qu'on règlera le problème de l'immigration». Pour Nicolas Sarkozy, Le recours au test ADN constitue la première grave occasion qui a permis à des divergences gouvernementales de s'exprimer, dévoilant par la même occasion les limites prévisibles de l'exercice d'ouverture.