Nicolas Sarkozy est accusé par ses adversaires de se livrer à une pirouette politique pour s'attirer les bonnes grâces des voix de l'extrême droite. Il y a eu comme un flottement dans l'air qui avait révélé une grande hésitation avant que la question ne soit tranchée : la gauche emmenée par le Parti socialiste ne participera pas au grand débat sur l'identité nationale voulu par Nicolas Sarkozy et mis en musique par son ministre de l'Immigration, Eric Besson. Cette hésitation était le fruit d'une crainte chronique à gauche de voir la droite utiliser un des ses subterfuges classiques et efficaces : enfermer tous ceux qui refusent de débattre de l'identité au rayon de l'antinational, le poison extrême pour le discréditer un ministre et le décrocher de sa base populaire. Mais le PS a finalement tranché. Il ne participera pas à ce débat sur l'identité nationale. Et c'est la première secrétaire Martine Aubry qui en fournit l'argumentaire : «Vous voyez bien la supercherie, je dirai même ce côté malsain extrêmement dangereux, quand on veut opposer identité nationale et immigration comme si aujourd'hui, (...) le problème de l'identité de la France c'étaient les immigrés». Le Parti socialiste avait plusieurs raisons de ne pas cautionner une telle démarche. D'abord parce qu'elle est portée dans les médias par un ministre, Eric Besson, un ancien socialiste qui avait trahi sa famille politique pour rejoindre Nicolas Sarkozy. Les responsables socialistes subissent déjà une brusque poussée d'acné de la colère et de l'amertume à chaque rencontre avec Eric Besson sur un plateau de télévision. Alors lui donner la réplique politique dans un débat qui risque de légitimer sa trahison et de conforter sa position paraît au-dessus du supportable. Il s'agit d'un blocage psychologique et épidermique. L'autre raison politique qui explique cette méfiance socialiste à l'encontre d'un tel débat est que Nicolas Sarkozy est accusé de déterrer un tel sujet pour masquer ses difficultés et tenter de remobiliser son électorat en proie aux grands doutes du mi-mandat. Dans un communiqué, le PS avait tenté de résumer le calvaire que traverse la majorité présidentielle : «La France mérite mieux qu'un discours polémique bricolé à la hâte à des fins électorales. La droite, de plus en plus déchirée, fragilisée par son échec économique et social, instrumentalise un sujet sérieux sur lequel on ne devrait pas chercher à diviser les Français». Dans ce boycott, la gauche est encouragée dans sa démarche par les convulsions qui secouent la famille Sarkozy sur le sujet. L'absence d'unanimité pour lancer un tel débat au sein de la majorité présidentielle autorise toutes les audaces. Des hommes comme Martin Hirsch, haut commissaires aux Solidarités actives, ou Bernard Kouchner, ancien socialiste devenu ministre des Affaires étrangères, avaient exprimé des réserves marquées à l'encontre de ce débat. Bernard Kouchner s'était même permis le luxe de cette pique : «je me méfie des débats théoriques. Pour moi le débat à mener, c'est le débat des propositions de la France». Dans une tentative de proposer une alternative à ce débat sur l'identité nationale, le député PS de la Seine-Saint-Denis Claude Bartolone a eu cette sortie : «L'identité nationale et la fierté d'être Français ne sont rien d'autres que des slogans. Je préfère donc parler de citoyenneté républicaine (qui) tient en deux piliers: l'école de la République (et ) la laïcité». Nicolas Sarkozy est accusé par ses adversaires de se livrer à une pirouette politique pour s'attirer les bonnes grâces des voix de l'extrême droite dont les différentes études d'opinion montrent clairement que l'électorat s'est ostensiblement éloigné du camp de la majorité. La situation du président de la République est à ce point critique que le patron du groupe PS à l'Assemblée nationale Jean-Marc Ayrault n'hésite pas à affirmer, preuve à l'appui, que le «mythe d'un Sarkozy invincible en 2012» était tombé et qu'il était «battable».