Un mariage annulé car la mariée avait menti à son époux sur sa virginité. Il ne s'agit ni plus ni moins de l'application de l'article 180 du code civil. Une affaire grandement gênante et suscitant les réactions les plus contradictoires. Qui aurait cru que dans un Etat de droit une simple décision de justice provoquerait autant d'émois et ferait couler autant d'encre ? C'est ce qui continue d'arriver avec les réactions de plus en plus tranchées pour dénoncer la décision d'un tribunal de grande instance de Lilles d'annuler un mariage au motif que la mariée avait menti à son époux sur sa virginité. L'affaire concerne un couple de Franco-maghrébins et continue de susciter une des polémiques les plus passionnées qu'ait connues le théâtre politique français ces derniers temps. Dans le fond de l'affaire, un observateur pointilleux sur l'application des textes de loi ne peut être que surpris par la surréactivité qui avait accompagné cette décision. Il n'agit ni plus ni moins que de l'application stricte de l'article 180 du code civil qui stipule que «s'il y a eu erreur sur la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage». Par contre, un acteur politique à la recherche d'une cause à défendre ou d'une indignation à formuler trouvera largement de quoi nourrir le débat en tentant de répondre à cette énorme interrogation : «la virginité fait-elle partie des qualités essentielles ?» pour définir l'identité d'une femme au sein d'une république laïque ? La formulation d'une telle interrogation est déjà en soi une mise à feu explosive pour allumer une polémique qui ne demande qu'à partir. Depuis les prises de postion contestées de Nicolas Sarkozy sur la laïcité, ce terrain est devenu politiquement inflammable. D'ailleurs, les réactions qui se sont exprimées en disent long sur les angoisses profondes qu'un tel sujet suscite. A titre d'exemple pour Ségolène Royal : «Considérer que la virginité est une « qualité essentielle de la personne» pour une femme et pas pour un homme, c'est le signal d'une régression très forte pour toutes les femmes d'aujourd'hui. Les jeunes surtout». Quant à Fadela Amara, secrétaire d'Etat à la Politique de la ville et ancienne présidente de l'association de «Ni putes Ni soumises, elle avait comparé ce jugement de Lilles à «une Fatwa contre l'émancipation de la femme (…) j'ai cru que l'on parlait d'un verdict rendu à Kandahar». Pour Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, la solution se trouve au Palais Bourbon : «La notion de qualité fondamentale, c'est quelque chose qui avait cours pour la virginité quand la peine de mort existait dans notre pays, au XIXe ou au début du XXe. Les mœurs ont changé et c'est fort heureux. Aussi j'en appelle à une loi votée par l'Assemblée nationale, qui définirait ces caractéristiques». De l'extrême gauche à l'extreme droite, de la majorité à l'opposition, les réactions se livraient à une concours d'indignation. La prise de position de la ministre de la Justice Rachida Dati en faveur d'un tel jugement, soutenue par de très rares députés connus pour leurs attachements aux valeurs familiales comme le libéral villepiniste Hervé Mariton qui donna l'impression que le gouvernement de François Fillon et de Nicolas Sarkozy vivait un couac supplémentaire susceptible de brouiller le message gouvernemental. D'ailleurs, la gêne de l'exécutif dans cette affaire était tellement perceptible que des personnalités comme l'ex-ministre Corinne Lepage ont cru bon de les interpeller pour les obliger à sortir de leur silence : «Ou bien le gouvernement -et le président de la République, qui ne s'est pas exprimé- estime que la virginité est une «qualité essentielle» de la femme dans un mariage, faisant sienne une conception religieuse et non républicaine, ou bien il décide de faire appel du jugement et assure le respect de la laïcité et de l'égalité des femmes». Un autre silence tout aussi assourdissant est celui des associations et des personnalités françaises de confession musulmane vers qui le bras de ces indignations semblait se tendre. Sentant sans aucun doute le terrain de sables mouvants vers lequel ce débat les entraînait, ces personnalités ont préféré observer une attitude d'autruche qui leur ferait certes l'économie d'une expression publique mais que ne ferait que retarder l'échancre des clarifications.