«La Colline de papier» et son auteur Ali Tizilkad étaient à l'honneur à Jérada. Une symbiose avec les amis d'une enfance tatouée. «Comment raconter l'être que je fus sans le faire avec le regard de l'être que je suis? Comment observer une sincérité absolue quand, en moi, s'obstine à agir l'autre qui lira et qui, d'une manière ou d'une autre, constitue mon écriture, pénitente ou provocante ?». C'est ce que nous expliquent les critiques quand ils analysent un roman autobiographique. C'est ce qu'a essayé d'insinuer Ali Tizilkad aux siens, samedi dernier à Jérada. Entouré d'une pléiade d'intellectuels, d'officiels avec à leur tête Abdelghani Sabar, gouverneur de la province, ainsi qu'un groupe d'amis, Ali n'a pu dissimuler sa grande émotion devant ces retrouvailles. Peut-il la cacher alors qu'il est envoûté par l'espace et le temps de son récit. C'était bel et bien l'enfant d'avant son certificat d'études primaires. L'espace du complexe culturel de ce qui fut la ville du charbon foisonnait de tous les personnages de son récit. Alors que des critiques chevronnés tels que les docteurs ès lettres Abdellah Hammouti, Abderrahman Bouali et Yahia Amara ou Abdelhamid Akkar, l'actuel président de l'Union des écrivains marocains, passaient au peigne fin « la Colline de papier». A chacun son approche, mais aussi à chacun sa stratégie de l'aveu et son désir d'être absous. «Notre présence à Jérada fait partie de cette complicité d'inventeurs de mots pour rendre hommage à Ali Tizilkad, le journaliste, l'enseignant, le traducteur et le romancier. Une plume qui a puisé dans plusieurs domaines et registres et qui vient de nous épater par un récit époustouflant», déclare Abdelhamid Akkar. De son côté, Abderahmane Bouali a retracé les péripéties de cette autobiographie à travers un voyage dans l'espace restitué par les couleurs du charbon et l'intransigeance des hommes. C'est un témoignage de personnages qui portent en eux les espoirs et les blessures de toute une génération. Celle qui est née avec l'Indépendance et qui a pu, avec le recul, s'approprier la sagesse des aïeux. C'est dans le même sens que Yahia Amara a évoqué les types de romans à problèmes. À travers les questions que pose l'enfant Ali, c'est toute la problématique de l'intellectuel assoiffé de repères. L'intellectuel écartelé entre son être et son paraître. C'est la double vision d'une génération de visionnaires qui a consolidé le socle de la culture marocaine. A travers les contradictions de la vie, il fallait peindre le quotidien avec l'espoir «que la colère de la rivière emporte avec elle le vieux figuier collectif». Tizilkad n'a rien à envier aux grands qui ont fait de la littérature marocaine d'expression française un moyen d'extériorisation et un récit de vie. Le fait de tirer sa sève de son terroir est un début d'excellence.