Parution du numéro 2 de la revue «Al Bayt», une publication de « La Maison de la poésie au Maroc». Cette revue constitue un véritable manifeste en faveur d'une poésie sans frontière ni langue spécifique. La poésie est peu lue, peu diffusée, peu éditée parce que très peu achetée. Les spécialistes de l'édition ont coiffé les recueils de poèmes par l'expression « publications confidentielles ». Il faut faire un sort à cette expression. Une publication confidentielle ne veut pas dire que les recueils de poèmes paraissent sous le sceau du secret, ni qu'ils s'adressent à très peu de personnes, mais que le nombre de personnes qui s'y intéressent est extrêmement limitée. Les tirages des recueils de poèmes dépassent rarement le chiffre de 2000 exemplaires. 2000 lecteurs pour un poète ! Peut-il espérer vivre de sa poésie ? La plupart des poètes ont été obligés de perdre du temps et de l'énergie pour gagner leur croûte. Certains ont carrément envoyé balader la poésie pour devenir marchands d'armes ou marchands de tableaux. Lorqu'une revue, qui plus est éditée au Maroc à l'initiative de poètes marocains, se consacre exclusivement à la poésie, son œuvre relève du combat. La revue en question a pour titre « Al Bayt». Jeu de mots doublement significatif, parce qu'il désigne le vers tout en renvoyant à l'auteur de cette publication : «La maison de la poésie au Maroc ». «La maison de la poésie au Maroc» regroupe des poètes marocains qui s'expriment dans plusieurs langues : arabe, amazigh, français, anglais et espagnol. Cette diversité langagière rompt avec la querelle aussi vaine que stérile qui a trait à la langue d'expression. Ne risque-t-on pas de perdre sa culture en choisissant comme moyen d'expression la langue de l'autre ? la réponse de la revue «Al Bayt » est tranchée. Peu importe la langue dans laquelle on s'exprime pourvu que le noyau poétique en sorte indemne. «Al Bayt » constitue dans ce sens l'un des rares espaces où les arabophones, les amazighophones et les francophones coexistent sans heurt. Les textes de la revue «Al Bayt» sont exclusivement écrits en arabe. Ce qui peut étonner au prime abord de la part d'une revue aussi ouverte aux langues étrangères. Cela ne réduit en rien la valeur de cette revue. En effet, la traduction compte parmi les activités fondatrices de la revue. C'est ainsi que des poèmes de poètes s'exprimant en français sont traduits en arabe. On peut citer un poème de Idriss Bellamine et un long extrait de la «La Mille et deuxième nuit», un recueil du poète Mostafa Nissabouri. Les lecteurs arabophones peu rompus aux langues étrangères pourront ainsi ne rien ignorer des poètes qui réfléchissent et écrivent dans d'autres langues. La traduction ne concerne pas au demeurant seulement les textes de poètes marocains, mais des textes de poètes occidentaux : Saint-John Perse, José Angel Valenti, Dominique de Villepin et d'autres. «Al Bayt» est une revue ouverte aux poètes d'ici et d'ailleurs. Cette ouverture sur l'autre s'accorde parfaitement avec les fondements de «La Maison de la poésie au Maroc» qui organise tous les deux ans un festival international de poésie. Son président, le poète Mohammed Bennis, est à l'origine de l'institution d'une journée mondiale de la poésie par l'UNESCO. C'est suite à la demande très insistante de «La maison de la poésie au Maroc» que l'UNESCO a décidé de proclamer en 1999 le 21 mars, Journée mondiale de la poésie. Que des poètes marocains soient à l'origine d'une journée mondiale de la poésie, voilà qui honore tous les Marocains.