Pour le bâtonnier de Rabat, Mohamed Ziane, l'affaire Rakia Abouali a été surdimensionnée. «Il ne faut pas jouer le jeu des maîtres chanteurs», pense-t-il. ALM : Que pensez-vous de l'affaire Rakia Abouali ? Mohamed Ziane : Cette affaire m'a rappelé un ancien ministre britannique décédé pendant qu'il était en pleins ébats amoureux avec sa maîtresse. Elle m'a rappelé aussi un autre ex-ministre du même pays qui a été traduit en justice parce qu'il a reconnu avoir offert un cadeau à sa maîtresse le jour de son anniversaire. On estimait que c'était de la prostitution, un homme marié ne devait pas entretenir une maîtresse et lui offrir des cadeaux. Cette affaire m'a rappelé également un brillant ministre canadien qui a démissionné pour avoir signé, à la place du mari, l'entrée de sa maîtresse dans une clinique pour faire une interruption volontaire de grossesse ; il voulait cacher sa liaison en faisant une fausse déclaration intentionnelle. Et je peux continuer à l'infini les exemples, d'autres hommes responsables se sont fait piéger par une femme. Si un homme tombe sur une femme a-morale, et qu'il abuse de la situation, ce n'est pas la fin du monde. Cela peut arriver à n'importe qui. La plus grave erreur commise par les responsables de Khénifra, c'est de ne pas avoir réalisé qu'ils fréquentaient une femme escroc et non pas simplement une femme de plaisir. Que cherche vraiment Rakia Abouali par son acte ? Cette femme-là a certainement été inspirée par l'affaire Tabet et a estimé qu'en obtenant des enregistrements, elle pouvait manipuler ces hommes par le chantage et la fraude. Ce n'est pas quelque chose de spécifique, cela peut arriver à beaucoup de gens, à tout moment et partout. Cette femme n'aurait-elle pas pris exemple sur Erramach ? Au Maroc, nous avons un substratum culturel qui dit : «Annoncez des scandales et vous vous en tirerez d'affaire». Malheureusement, dans l'affaire Rakia, selon des sources d'information, il existerait des enregistrements audiovisuels. A mon avis, il faudrait empêcher par tous les moyens ces gens de parvenir à leur but et salir la réputation d'un système. Car, derrière le cas de Rakia, il y a peut-être quelque chose de plus important que la dénonciation d'un acte sexuel hors mariage. Nous ne sommes malheureusement pas les Etats-Unis, ni au niveau culturel, ni au niveau émotif, pour parvenir à tirer d'affaire un Bill Clinton de la main d'une Monica Lewinski. On ne doit pas surdimensionner cette affaire et salir la vertu de la nation. Le renvoi des responsables de leurs fonctions suffirait largement. Et le conseil que je saurais donner, en toute responsabilité, c'est de ne pas donner suite à cette affaire et se limiter à la simple démission des responsables. Pour ce qui est de l'affaire Remach, je crois que ce dernier n'avait aucune preuve de ce qu'il avançait. Et les responsables sont tombés dans le piège pour la simple raison que le mot «trafic de drogue» effraient les hauts responsables marocains. Nous avons un complexe vis-vis de ces dossiers entretenus par certains centres de décision européens. Et l'Algérie semble aujourd'hui avoir pris la relève, dans le sens où elle accuse le Maroc à la place des Européens d'être un producteur de drogues douces, alors qu'elle génère des produits chimiques beaucoup plus dangereux que les drogues douces pour notre jeunesse. La recevabilité de plaintes comme celle de Rakia Abouali ne risque-t-elle pas de donner lieu à des excès ? Si effectivement il y a des victimes qui se sont fait avoir, elles doivent démissionner. Maintenant, il ne faut pas encourager les maîtres-chanteurs et le recours aux pièges en ordonnant des poursuites. Car c'est le but recherché par l'auteur du chantage et que, quelque part, ce dernier aurait réussi son coup si on poursuit pénalement les personnes piégées. Ce qui est clair, c'est que sans la poursuite, le maître chanteur n'aura pas atteint son but. Et, à mon avis, il n'y a aucune raison de l'aider à atteindre son but. Quand une femme joue de ses charmes pour piéger une autre personne, c'est difficile de l'accepter. Dans l'affaire Rakia Abouali, le but recherché est de nuire. Cette femme-là ne cherche pas justice. Et la société ne doit pas l'aider à concrétiser sa nuisance.