Cheb Mami a déplacé plus de 80.000 personnes sur la place Al Amal, lors de la soirée de clôture de Timitar. Cette soirée, haute en rythmes et forte en symboles, a couronné une troisième édition incontestablement réussie. Pour une fois, la place Al Amal a montré ses limites. En ce mémorable dimanche soir, cette grande esplanade n'a pu contenir la déferlante populaire, au point que la foule a débordé sur le boulevard Mohammed V, mettant à rude épreuve la patience des services de l'ordre. Les automobilistes se sont subitement éclipsés, laissant la place, toute la place, à des dizaines de milliers de spectateurs venus assister au concert très attendu de Cheb Mami. Quelques heures plus tôt, lors d'un point de presse, le « prince du raï » nous a dit avoir « le trac ». Mais oui, l'une des stars du raï les plus populaires du monde a avoué «avoir le trac». La perspective de se retrouver face à un raz-de-marée humain devait-elle inspirer la crainte à ce grand habitué des bains de foules, rodé et érodé par tant d'années de scène ? Au fait, Cheb Mami savait à quel point le public marocain est exigeant. A la question « Qu'allez-vous chanter ce soir », il répond : « une fois sur scène, j'appartiens au public ». On ne présente pas un programme pré-établi. Or, quelle sera la surprise ? Ce soir, Cheb Mami a chanté pour le Maroc et pour l'Algérie. « La fête qui scellera la réconciliation est imminente », a-t-il déclaré, d'un ton certain, avant d'enfiler, tour à tour, le drapeau marocain, et le drapeau algérien. Un geste très fort en symboles, il a été gratifié d'un tonnerre d'applaudissements et de slogans pour le rapprochement entre les deux pays frères. Un bon point réalisé par «Timitar» qui, depuis son lancement, réserve une place de choix aux artistes algériens. Il suffit de rappeler que précédente édition avait été marquée par la participation de Cheb Faudel. Cette année, c'était donc au tour de Cheb Mami de donner la réplique. Une très belle réplique. «J'ai été bercé, depuis mon enfance, par les chansons de Hajja Hamdaouia », se souvient-il. Dans les fêtes de mariage, qu'il animait dès son jeune âge, il dit avoir souvent repris les hits de cette grande dame de la chanson populaire marocaine. Sur l'origine de la musique raï, Cheb Mami ne veut pas polémiquer. «D'Oujda à Maghnia, il n'est question que de quelques kilomètres », précise-t-il. En plus, en art plus généralement, il n'y a pas de frontières, si ce n'est celles qu'impose la politique. Mais ce soir, toutes les barrières étaient tombées. Cheb Mami était des nôtres. Il chantait dans le même accent que le nôtre, il tenait un langage qui parlait à nos cœurs, faisant multiplier les chansons d'amour. Il en va ainsi de la célèbre chanson «Al hob louwal âlih nâwal », interprétée aussi bien par les Algériens que par les Marocains. Le public a également vibré au rythme de «Mali, mali», «Al boulissia», «Etranger»… Etranger? Enfin non, le climat était ce soir plutôt à la convivialité, au partage et pour tout dire à la fête. Le public, le formidable public, était à la hauteur de cette fête venue couronner une troisième édition incontestablement réussie. Pendant les six jours qu'a duré le troisième «Timitar», on était «entre la familia grande», comme l'avait si bien dit le grand guitariste cubain, Eliades Ochoa, l'une des grandes découvertes de cette édition. Durant cette kermesse, un véritable dialogue s'est engagé entre les musiques amazighes et les musiques du monde. Un voyage au bout de la Planète-musique en six jours. Vivement alors la quatrième édition…