Le 25 juin 2003, « Le Constanta », un navire de guerre battant pavillon roumain, embarquait une centaine d'artistes, écrivains et journalistes pour une croisière à travers plusieurs pays méditerranéens. Objectif : délivrer, de port en port, un message de paix. ALM a été de ce périple, il veut bien le partager avec ses lecteurs. Assiégés par une soldatesque prête à en découdre, les pacifistes, sommés de rester à bord du « Constanta », l'ont également été par un climat inhospitalier. « Est-ce que le vent va se lever ? », demanda Richard Martin. «Que non », répond un soldat. Richard Martin eut tort de prendre cette « réponse » au sérieux, le vent ne tardera pas à « feuler ». Au-dessus du navire, comme pour compléter un tableau déjà sombre, venaient s'accumuler quelques nuages. Ce caprice du temps serait-il complice de l'inhospitalité programmée par les autorités algériennes ? « Que venaient faire des nuages dans un ciel d'été ? », s'interrogea un passager, d'un ton ironique. Quoi qu'il en fût, un caprice climatique ne serait pas aussi inclément que ce bataillon de militaires qui se portaient à notre « accueil ». Un constat que ne manqueront pas de faire une dizaine de passagers au moment où ils devaient « négocier » une permission de sortir auprès des services de sécurité, postés à la sortie du port de Mostaganem. Un monsieur, au gros ventre, a barré la route devant les passagers. Avec son franc-arabe, il me fit signe d'approcher. « Vous êtes moghrabi ? », me fit-il d'un ton faussement accueillant. « Vous êtes le seul arabe à avoir embarqué sur ce navire?», poursuit-il. Ce n'étaient là que de fausses questions, cet officier de police savait déjà qui j'étais, d'où j'étais venu et pour quelle raison j'ai embarqué avec des gens dont le « délit », paraît-il, est d'avoir simplement voulu, en militants de paix, témoigner de leur solidarité avec leurs frères algériens. Passé « l'interrogatoire », j'ai rebroussé chemin vers le navire. J'ai laissé tomber l'idée de sortir, et pas vraiment à tort. Mes amis, dont des Italiens, des Espagnols, des Français, me diront, après leur rentrée de leur équipée nocturne dans les boulevards de Mostaganem, qu'ils n'ont pu bouger sans qu'ils soient talonnés par des services secrets, à pied ou en voitures civiles. « Pas question de siroter un thé à la menthe tranquillement », ont-ils regretté. Un constat que j'ai pu vérifier moi-même au lendemain de notre débarquement, quand je descendis au centre-ville de Mostaganem. Une autorisation que j'ai pu enfin décrocher, sachant que celui qui devait m'interroger le lendemain, officier de police de son état, était originaire d'Oujda. Après une discussion plutôt familière, il me laissa sortir. Me voilà en plein cœur de Mostaganem, précisément sur la terrasse du restaurant-café « Tout va bien » ( !). Il était quatorze heures, j'étais à l'ombre d'un Eucalyptus pour me protéger contre un soleil d'été plutôt agressif. Plus tard, je serais rejoint par mes amis du «Constanta », en compagnie de deux agents en civil. C'était à ces deux agents que devait revenir la charge de nous protéger contre d'éventuels « attentats ». Au fait, ces agents avaient pour mandat de contrôler notre mouvement. On comprenait pourquoi un journaliste algérien avait accusé les pacifistes d' « espions ».