L'optimisme affiché par le ministre du Tourisme quant à l'avenir du secteur est démenti par le recul des flux touristiques en direction du pays. Le recul du nombre des touristes concerne principalement la ville d'Agadir. L'inquiétude est de rigueur. Le tourisme à Agadir n'affiche pas la forme. Les professionnels locaux sont inquiets. La plupart des établissements hôteliers ont vu leurs nuitées du mois de mai s'effondrer de manière brutale. Le taux d'occupation pendant ce mois n'a guère dépassé les 30% alors qu'ils ont l'habitude à cette période de l'année de tourner autour de 70%. Le mois de juin ne risque pas d'être fameux avec un pourcentage de 22%. Les nouvelles unités hôtelières qui ont été créées récemment dans la cité balnéaire sont les plus touchées avec un taux de remplissage moyen de moins de 10%. Cette donnée n'est pas de nature à encourager l'investissement dans le secteur au moment où le Maroc a décidé de faire du tourisme la priorité des priorités. Cette chute préoccupe les acteurs gadiris du secteur qui craignent de voir la saison estivale sérieusement compromise. Décidément, les nouvelles touristiques venant de la capitale du Souss ne sont que mauvaises. Le grand TO allemand TUI a annulé la tenue d'une de ses manifestations majeures prévue en novembre prochain à Agadir. Il s'agit de la présentation de sa brochure et de ses revendeurs en présence de quelque 120 journalistes européens. Le TO Nickerman a emboîté le pas à son confrère des voyages puisqu'il a, à son tour, annulé une initiative similaire que devait abriter prochainement la ville d'Agadir. Agadir est-il perçu comme un pôle de moins en moins sûr par les grands voyagistes européens ? En tout cas, la situation n'est guère rassurante. Quand un TO se détourne d'une ville, d'un pays avec lequel il a l'habitude de travailler cela signifie qu'il y a problème. Le balnéaire offert par Agadir est-il passé de la mode ? L'offre touristique locale répond-t-elle toujours aux attentes des touristes ? Une chose est sûre : les professionnels locaux en collaboration avec le ministère du Tourisme sont appelés à régir vigoureusement en apportant les réponses appropriées à ce qui ressemble à une alerte sérieuse. La crainte est telle qu'un bon nombre d'hôteliers misent sur le tourisme domestique pour “booster” le coefficient de remplissage. Même les établissements où il était difficile de trouver une chambre pendant l'été se sont avisés de mettre au point des formules alléchantes avec des réductions substantielles à la clé en direction des visiteurs nationaux. “Seul le tourisme local peut sauver un peu la mise à une destination sinistrée“, explique un promoteur touristique. En attendant une éclaircie dans le ciel sombre du secteur, tous les marchés traditionnellement émetteurs ( Allemagne, Italie, Angleterre) renvoient des signaux négatifs. Le marché français qui fait exception se distingue toujours par sa vigueur. Les TO hexagonaux ont beau faire par solidarité des efforts supplémentaires sur la destination Maroc, les flux en provenance de ce pays (Un million à peine) ne sont pas suffisants. Alors à quoi faut-il attribuer cette crise ? Certains incriminent les événements tragiques du 16 mai qui ont poussé nombre de Tours operators notamment allemands à déprogrammer le Maroc. D'autres expliquent ce recul des flux par la récession économique qui frappe depuis quelque temps le pays de Gerard Shröder. D'autres encore accusent les autorités de tutelle de ne pas faire assez pour mettre en place une véritable stratégie de reconquête des marchés traditionnels. Une chose est sûre : après l'embellie qu'a connue le tourisme marocain, le voilà qui s'enfonce de nouveau dans le marasme. Le cas Agadir est emblématique des insuffisances de la destination Maroc. Fait sérieux, le TO anglais Thomson qui a repris récemment sa programmation au Royaume après des années de désamour vient d'y annuler tous les allongements contractés pour la saison 2003-2004. Ce tableau sombre dément en tout cas l'optimisme affiché par le sémillant ministre du Tourisme Adil Douiri quant à l'avenir du secteur touristique. Celui-ci, qui du reste est conscient des véritables enjeux du secteur, n'a de cesse de dire que tout va bien alors les clignotants sont apparemment au rouge. Et ce n'est pas le contrat-programme 2000-2010, dont la quasi- totalité des mesures ne sont pas encore mises en route, qui va donner au tourisme marocain le prestige et l'attrait souhaités. En effet, il ne suffit pas d'écrire noir sur blanc que le pays accueillira 10 millions de touristes à l'horizon 2010, encore moins de créer le poste de directeur-adjoint de l'ONMT pour que ce vœu se réalise. S'il est souhaitable, voire important de se projeter dans l'avenir en se fixant des chiffres et des objectifs, il n'en reste pas moins que la situation du tourisme national exige une vision à court terme de telle sorte que de dresser des bilans d'étape pour pouvoir rectifier le tir si nécessaire. Question simple ? Où en sommes-nous aujourd'hui de l'ambition 2010 ? Le défi de 10 millions de touristes, à la lumière de la mauvaise passe que traverse le secteur sera-t-il relevé à la date initialement indiquée ? Cela dit, arrêtons d'accuser la conjoncture internationale et posons le vrai problème du tourisme national. Celui-ci a pour nom : la crise d'imagination. Cette imagination qui fait qu'un produit dégage constamment un air de fraîcheur et de nouveauté. Un produit différent donne forcément envie d'être consommé. Offrons-nous mieux que les destinations concurrentes ? Telle est la principale question.