Il n'est pas évident qu'une prémonition soit véridique. Pourtant, elle l'est dans le nouveau roman social «L'inconnue» de son auteure marocaine Intissar Haddiya. «La Kafala» dans une fiction réaliste Dans cette œuvre, publiée par la maison d'édition française, Saint-Honoré, l'écrivaine, également néphrologue, raconte l'histoire de la veuve Layla liée d'amitié à une juive, Yvonne, qui prédit l'arrivée d'un enfant dans sa vie. Une prévision qui se concrétiste contre l'attente de la dame marocaine dont le mari, riche de son vivant, ne pouvait pas avoir d'enfant. En effet, Layla finit par trouver un bébé de sexe féminin devant chez elle après avoir déménagé dans un quartier modeste suite au décès de son époux. Un nouveau-né qu'elle chérit bien avant qu'elle entame la procédure de la «Kafala». D'ailleurs, il est question de ce sujet, entre autres, dans cette œuvre sociale. «Le roman social est un genre, un mode d'expression où transparaissent le plus souvent la texture et la structure de la société à travers une fiction réaliste. Par conséquent, c'est un genre qui est implicitement empreint de sérieux», précise Intissar Haddiya. De l'héritage et de la condition féminine aussi Ce caractère se manifeste clairement à travers les thèmes traités dans «L'inconnue», à savoir la condition féminine, l'héritage, la bureaucratie, les petites bonnes, l'accès à l'éducation outre la «Kafala» qui n'aboutit, cependant, pas dans l'intrigue, faute de parents adoptifs. C'est Layla qui garde l'enfant qu'elle prénomme Farah. Au fil des événements, que l'auteure ne date plus après avoir établi une chronologie des faits au début du livre pour illustrer le «paradoxe» entre le passé et le présent de la désormais mère, l'enfant grandit. Elle l'inscrit à l'école ; cependant l'origine de Farah demeure une vérité susceptible d'être divulguée à plusieurs occasions. Au moment où la jeune fille brillante prépare son baccalauréat, une autre, de la famille du mari de Layla, lui apprend par jalousie sa vérité. Malgré ce fait détonant, Farah tient à sa mère qui, à son tour, découvre la vraie génitrice de sa fille par le biais d'une autre femme. Des faits qui font du roman une œuvre imprévisible. Les messages de l'auteure Dans le tumulte de cette intrigue, le lecteur peut d'ailleurs avoir l'impression que Layla est l'inconnue de par «le violent basculement qu'a connu la vie de Layla» après le décès de son mari. Cependant, le titre du roman est susceptible de coller à la fille ou encore à sa génitrice puisque celle-ci est inconnue pour la première. «Ne dit-on pas aussi que la vie est une grande inconnue? Que la nature humaine, si difficile à cerner, est une équation à plusieurs inconnues?», tempère Intissar Haddiya. Au-delà de ces complexités, l'écrivaine veut mettre l'accent sur notre société marquée par des divergences. «Le Maroc dans ses composantes les plus inattendues, ses dimensions les plus intriguantes, drôles ou douloureuses, est une source intarissable d'inspiration», commente-t-elle. A propos de ses écrits, l'écrivaine précise également que c'est aussi une manière d'inviter à réfléchir sur certains sujets relatifs à notre marocanité commune, tels la place de la femme dans la famille, la société, les injustices, les inégalités et les pressions que subissent les moins nanties. «Ces petites gens souvent méconnues des architectes des lois et qui n'ont ni le privilège ni la capacité de porter leur voix», martèle l'auteure qui chute son œuvre par un «happy end» pour la famille de Layla et Farah. Fort attachement à la pratique médicale A la fin du roman, la jeune fille opte pour des études de médecine. Une spécialité qui abonde dans le sens du métier d'Intissar Haddiya qui livre non seulement des regards sur cette pratique mais aussi sur le milieu où elle est exercée. A lui seul, l'hôpital est, à ses yeux, une petite lucarne sur la société; toutes sortes de destins y sont croisées. «Je suis intimement convaincue que mon écriture gagne en inspiration et en maturité du fait de mon exercice de médecin et enseignante de médecine», poursuit-elle. Pour elle, cette profession confère un regard si intense, si profond sur la vie et nourrit plusieurs interrogations existentielles. «De plus, lorsqu'on écrit, chacun des personnages a quelque chose de nous. Aucun auteur ne laisse sa vie, sa réalité derrière lui lorsqu'il écrit. Au contraire, on s'en sert de bien des manières. Tout ouvrage exprime, peu ou prou, la sensibilité de l'auteur, ses convictions et ses expériences», détaille-t-elle. Pour rappel, l'auteure qui a déjà écrit d'autres livres vient de rafler le 1er prix spécial francophonie pour son poème «Etincelles de vie», faisant partie de son œuvre «Au fil des songes». Une consécration qui fait chaud au cœur de l'auteure.