Noceur assagi, Saïf al-Islam Kadhafi, qui goûte aussi à l'art pictural, apprend le métier de président en sillonnant le monde. Les présidents arabes non satisfaits de gouverner leur république à vie ne se gênent plus pour proclamer publiquement leur volonté de léguer leur pouvoir à leur progéniture. Au cours des dernières années, Moammar Kadhafi, président à vie de la Libye, ne fait aucun mystère du fait qu'il prépare son fils aîné pour lui succéder à la tête de l'Etat. Son nom en arabe signifie «Glaive de l'Islam». À trente ans, Seïf al-Islam Kadhafi, né d'un second mariage du Guide de la Révolution libyenne, poursuit son apprentissage des ficelles du pouvoir, tel qu'il se pratique dans un pays arabe, tiers-mondiste et producteur de pétrole. Vaste programme si l'on sait que ce genre d'apprentissage ne s'apprend pas dans des ouvrages académiques, mais plus tôt dans des officines de services et spéciaux de renseignement. En tout cas, il est entrain de parfaire sa formation de bretteur. Seïf al-islam se déplace beaucoup. On le voit partout en Afrique, en Europe, en Asie et même aux Etats-Unis. À chacun de ses déplacements, il est escorté par une suite pléthorique, dirigée par son cousin, Ahmed Kaddaf ad-Dam, naguère chef des services de renseignement de la Jaamahirya arabe, populaire et socialiste de Libye. Seïf al-islam est officiellement chargé de mener l'offensive de charme d'un pays mis au ban de la communauté internationale en quête de respectabilité et d'investissements extérieurs après plusieurs années d'un embargo pénalisant. Dans chaque pays visité, il est reçu avec les égards dus à un héritier prometteur . Il a droit aux honneurs qu'on réserve traditionnellement aux chefs d'Etat. Noceur assagi, il goûte aussi à l'art pictural. Ses expositions sont parrainées comme il se doit par les nombreux groupes pétroliers engagés en Libye.« Il a de l'avenir, de l'influence et les faveurs de son père », assure un éminent orientaliste du Quai d'Orsay. À chacune de ses sorties, il prend soin de préciser qu'il parle « à titre personnel », insistant trop sur l'absence de mandat officiel pour qu'on le croie. Artiste, président d'une association de bienfaisance par laquelle transite beaucoup de capitaux, et homme à l'élégance stricte, Seïl al-Islam Kadhafi est soupçonné d'être impliqué » dans un blanchiment d'argent à grande échelle. Il s'en défend farouchement, mais les Anglais semblent convaincus qu'il est à la tête d'un vaste réseau de nombreux trafics, dont celui des armes. Sur le fond, les discours de grande ouverture développés par le fils de Moammar Kadhafi illustrent et confirment ce que l'on savait déjà : la succession est en marche. L'émissaire « non officiel » s'attèle d'ores et déjà à l'amélioration de l'image de son père et partant de la Libye, préalable incontournable pour crédibiliser un « président-héritier » en quête de légitimité républicaine.